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Critique de gruz


Les effacées, le personnage de Lucia Guerrero n'en fait pas partie dans l'imaginaire collectif tant elle a marqué les esprits dans Lucia, le premier tome de ses aventures. Acte deux pour cette enquêtrice de l'UCO en Espagne, que Bernard Minier a décidé de rendre récurrente.

Il faut dire que Lucia est une femme de caractère, meurtrie, mais pleine de valeurs. Une personne entière, dit-on, parfois jusqu'à l'excès. Ça lui a joué des tours par le passé, ça continuera à lui compliquer la tâche. Encore davantage dans cette investigation où elle a toute l'élite de ses supérieurs sur le dos, jusqu'au Premier ministre, c'est dire.

Bernard Minier doit son immense succès à plusieurs grandes qualités. Sa capacité à raconter des histoires dingues et prenantes au possible, son écriture aussi efficace que soignée, ses personnages évidemment. Mais aussi, des considérations sociales qui portent.

Ce roman est un peu un condensé de tout ça, concentré pourrais-je dire, avec une double intrigue plus directe. Genre coup de poing. Une double histoire qui pourrait parfaitement être adaptée à l'écran, ça tombe bien, le projet de donner une image au personnage de Lucia est en cours.

Paradoxalement, les victimes qui donnent le nom au roman ne sont pas celles qui seront au centre du récit, mais c'est logique quand on y pense, on parle moins des petites gens que des personnes « importantes ».

Grand écart ici, entre ces jeunes victimes dépersonnalisées dans l'esprit collectif, ne servant qu'à engendrer une peur ambiante, et ces meurtres perpétrés dans le milieu des ultra-riches qui engendrent des remous jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir.

Comme on le sait avec Bernard Minier depuis son premier roman, glacé, le cadavre d'ouverture est aussi horrible que visuellement marquant. Graphique, pourrait-on dire, tant l'auteur aime insuffler de l'image dans ses mots, lui qui tâte également du dessin en amateur (avec un talent certain). le genre de scène qui s'imprime sur vos rétines comme si vous les aviez réellement vues.

Pas étonnant que ce roman place à nouveau l'art dans ce jeu mortifère, l'écrivain voue une admiration sans bornes pour certains courants de la peinture. Cette fois, c'est l'art contemporain qui sert de pièce au puzzle, là aussi poussé jusqu'à l'outrance.

Même si ce roman privilégie l'action et le rythme un peu plus qu'à l'accoutumée, et même si je préfère certains de ses romans plus denses, la somme de travail pour créer l'ambiance saute aux yeux. Lire un Minier est un enrichissement, le thriller peut aussi servir à apprendre, découvrir, comprendre, chacun de ses livres en est la preuve. Avec la protestation qui n'est jamais loin.

Cette double histoire est ancrée dans son temps, entre le scandaleux fossé qui ne cesse de se creuser entre les riches et les modestes, mais aussi en lien avec le sujet de la violence faite aux femmes. #MeToo provoque certaines réactions extrêmes, bienvenue aussi ici dans le monde des Incels, ces hommes qui pensent être en guerre contre les femmes, Lucia le vivra en prise directe.

L'enquête va révéler son lot de surprises, et un final à la Minier, secouant et un brin jubilatoire. Les amateurs du genre en auront pour leurs pesetas euros. Avec en prime, une belle découverte de la Galice, entre grande ville et coins plus typiques. le voyage par le thriller, parce que l'auteur décrit toujours ce qu'il a vu de ses propres yeux.

Bernard Minier donne une autre épaisseur à son personnage de Lucia Guerrero avec Les effacées, thriller aussi efficace que prenant. Son cuir lui va de mieux en mieux et s'épaissit. Avec elle pas de tromperie, l'habit fait le moine, de la graine de star qui tatoue la fiction littéraire de manière indélébile.
Lien : https://gruznamur.com/2024/0..
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