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Critique de zenzibar


Cet essai traite des guerres de religion, plus précisément des affrontements entre le XVIème et le XVIIIème siècle dans ce qui était le royaume de France alors étant entendu que ces affrontements embrasèrent et ensanglantèrent l'ensemble de l'Europe.

L'auteur est un historien qui fait autorité, Pierre Miquel. Ses synthèses monumentales sur les première et seconde guerres mondiales sont remarquables.

La peste de l'intolérance, sous couvert de croyance religieuse fit des centaines de milliers de morts, y compris des femmes et des enfants dans des circonstances atroces. La religion dominante fut à l'origine de deux régicides dont celui de celui qui fut sans doute le plus grand roi de France.
L'étude de ces événements constitue par conséquent un intérêt majeur et hélas d'actualité.

En réalité, depuis l'apparition du christianisme, puisqu'il s'agit de cette religion, les persécutions ont accompagné le développement de l'Église ; excommunications, bûchers, torture ont imposé par le fer et le feu cette tyrannie des consciences à l'encontre de ceux qui étaient jugés hétérodoxes, déviants, hérétiques.
Est-il nécessaire de mentionner par exemple le massacre de juillet 1209 de Béziers (10 000-15 000-20 000 morts?) par les croisés armés sous les ordres du Pape et dirigés par l'abbé de Citeaux grande figure spirituelle de l'époque ?

Les titres des livres de cette oeuvre sont terriblement explicites : « la haine et la peur », « la rage de tuer », « L'exil et la résistance »

A l'origine les 95 thèses de Martin Luther en 1517 à Wittenberg en Allemagne qui remettent en cause les rites de l'Église chrétienne institutionnelle sous la domination du pape. Ces thèses sont condamnées par la Sorbonne à Paris
Il est reproché à cette Eglise de s'être écartée des écritures saintes, notamment au regard du message christique d'humilité, de pauvreté. Pire, en plus de vivre dans la luxure digne de Sodome et Gomorrhe la religion papale a sombré dans l'idolâtrie avec le culte des saints, des reliques, la vénalité et la pure filouterie avec les trafics des indulgences. En résumé, Luther et ses partisans veulent chasser les marchands du temple, retrouver la vraie foi avec un accès direct aux textes sacrés sans l'intermédiaire d'un clergé corrompu, sans la confession.

Le premier bûcher est allumé en 1523 et ce qu'on n'appelle pas encore les Protestants ont leur premier martyr. . Les deux derniers galériens protestants vivants seront libérés en 1775 et l'Edit de Tolérance sera établi en novembre 1787.

Pendant cette période, une guerre civile atroce où les enjeux ne furent naturellement pas purement théologiques et nationaux. Les guerres de religion furent d'abord l'affrontement aux XVI et XVIIème siècles entre la France et l'Espagne. Les ultras catholiques, les ligueurs étaient financés, armés par l'Espagne pour instaurer un royaume vassalisé à l'Empire où « le soleil ne se couchait jamais ». Une lutte à mort.
Mais il serait réducteur et malhonnête de présenter ces guerres comme la lutte des corrompus sans foi ni loi contre les purs. Les Protestants demandaient le liberté de conscience et de culte…. là où ils étaient minoritaires. Car dans leurs fiefs et leurs conquêtes, la tolérance n'avait pas droit de cité. Celles et ceux considérés comme déviants, étaient pourchassés, combattus, condamnés. Les « papistes » bien sur mais pas seulement, aucune tolérance envers par exemple les athées, ….Dans un territoire dominé par les réformés, un « Charlie » n'aurait pas eu le temps de voir l' encre de son dessin sécher...

Impossible, ne serait-ce que de résumer, les principaux événements. Il faut juste rappeler que la liste est longue de batailles, exterminations de masse. Comme l'écrit l'auteur, dans certains cas on peut même qualifier des drames, comme celui des Vaudois, de génocide.

Dans ce contexte on rappelera combien l'Edit de Nantes d'Henri IV (1598) fut un acte politique exceptionnel et combien sa révocation par Louis XIV en 1685, sous l'influence noire de l'écervelée Mme de Maintenon fut désastreuse d'un point de vue politique, spirituel et économique pour la France.

Après la lecture de ce livre qui ne peut qu'activer la réflexion tant ce panorama historique interpelle en profondeur, il convient à mon avis d'éviter deux pièges.

Le premier, le plus évident, est de ne pas oublier de remettre ces faits dans leur réalité historique, sociologique. Comme le soulignait le regretté Robert Merle, à cette époque, dans ce contexte, la vie d'un homme ne valait pas plus que celle d'un poulet.
La pauvreté, la misère implacables qui régnaient ont constitué la motivation principale pour expliquer des actes de pillage, de meurtres, pour survivre sous couvert de religion
Cela ne justifie pas tout, notamment que des hommes d'église, non seulement prêchent la guerre mais soient aussi directement en action dans les affrontements sanglants les actes de barbarie à l'encontre d'innocents.
Dans l'autre sens, il est aussi important de ne pas faire preuve d'une sorte de racisme culturel à l'encontre des hommes de cette époque. L'homme contemporain n'est pas fondamentalement meilleur que celui de cette période si sombre pour la France.
Est-il nécessaire de rappeler qu'il s'agit aussi De La Renaissance qui fut constellée de brillants esprits ouverts et tolérants : Erasme, Montaigne, Marguerite d'Angoulème, la soeur de François 1er….. Les monarques eux-mêmes, souvent pris dans des enjeux qu'ils ne contrôlaient que partiellement, firent preuve, par séquences, d'une certaine hauteur pour essayer de ramener un certain apaisement à défaut d'une cohabitation pacifiée. Henri IV fut une exception, après une longue période de maturation il fit preuve ensuite d'une stratégie construite de longue haleine dont l'Edit de Nantes fut le couronnement.

Un livre à lire dans l'actualité où les ravages de l'intolérance sous le masque de la religion sont omni présents
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