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Critique de Iansougourmer


Confession d'un masque est l'un des plus forts roman de Mishima sur un thème délicat, celui de l'homosexualité refoulée. C'est une introspection brillante et douloureuse de l'auteur, qui nous fait vivre un grand moment de lecture qui ne laisse pas indemne le lecteur.

Au travers de ce premier roman autobiographique mais romancé, Kimitake Hiraoka, plus connu sous son pseudonyme Mishima, nous fait le récit de son enfance maladive sous l'emprise d'une grand mère possessive qui le force à rester auprès d'elle, le privant de sa mère. L'auteur se dévoile, enfant chétif, solitaire et rêveur ; puis nous raconte ses années de collège et d'étude . Mais, par dessus tout, Mishima nous fait le récit de son combat intérieur et extérieur contre son homosexualité, découverte avec les premiers émois de la puberté et que l'écrivain va s'attacher à masquer aux autres et à lui même, en s'interdisant ses désirs masculins et ses mauvaises habitudes, en acceptant une romance vouée à l'échec avec Sonoko, possible fiancée.

Cette confession d'un masque est fascinante et édifiante, car elle raconte la manière dont un individu est amené, par le poids de la société, à cacher une partie de ce qu'il est, par le mensonge et sa conviction personnelle que cette différence est une faute qu'il faut combattre. Toutefois, le personnage paie au prix fort les implications du mensonge c'est un combat contre sa nature profonde qu'il mène, combat exténuant qui est de toute manière perdu d'avance, puisqu'il amène la personne à se construire un univers artificiel, prêt à s'effondrer sous le retour de la réalité, ramenant de manière cruelle et définitive la personne à sa propre nature qu'elle s'est efforcée de combatte. Mishima, par le récit de son expérience personnelle, livre un message clair : un homme ne peut pas changer sa nature, au mieux peut il la masquer, ce qui ne saurait être qu'une solution provisoire.

Ce livre est aussi bouleversant, puisqu'il raconte la difficulté qu'a eu Mishima à assumer son homosexualité, ainsi que la souffrance subie du fait de cette homosexualité. On ne peut être qu'attristé de voir les mensonges qu'un enfant et qu'un jeune homme peuvent s'imposer. de plus, cette construction d'une identité parallèle parait compromise et s'écroule cruellement et lamentablement quand, dans la scène finale, l'auteur confronte son désir réel, les hommes virils, à celui qu'il s'était artificiellement créé pour la jeune Sonoko. La confrontation l'amène à voir avec lucidité que son homosexualité l'emportera toujours. Ce livre est donc hautement émouvant.

De plus, l'écriture de Mishima, raffinée et élégante, apporte une puissance émotive et tragique au récit, qui se lit toutefois avec fluidité, l'auteur restant dans une écriture volontairement franche et claire. On est impressionné par la maitrise stylistique de l'auteur pour son premier roman, et de l'audace de publier un roman largement autobiographique sur son homosexualité dans le Japon de l'après guerre, où il fit scandale, la pédérastie étant un sujet tabou. le gout de la transgression de Mishima semble déjà s'affirmer.
Le titre est génialement choisi : Mishima, qui a toujours occulté son homosexualité, la révèle ici dans un roman, faisant les Confession d'un masque. Homosexualité que l'auteur n'assumera d'ailleurs jamais complétement, puisque qu'il se mariera et aura des enfants ( comme de nombreux homosexuels de cette époque...).

Le dernier aspect intéressant de Confession d'un masque est qu'il préfigure les thèmes majeurs que l'écrivain abordera par la suite dans son oeuvre : le tiraillement entre un Japon traditionnel et l'occident, le gout pour les sujets audacieux, l'écriture du désir, l'attirance morbide, l'appétence pour le théâtre...
Ce livre nous donne en outre de précieux renseignements sur la jeunesse de Mishima, et nous donne quelques clés de compréhension pour la lecture de sa trajectoire personnelle et artistique.

Un livre magnifique et douloureux sur un thème délicat, traité avec distinction, honnêteté et douleur par Yukio mishima.
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