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Critique de bgbg


Quatrième et dernier volet du cycle « La mer de la fertilité ». Shigekuni Honda, 76 ans au début du roman, est à nouveau le témoin de cette nouvelle “réincarnation“.
Toru Yasunaga, orphelin de 16 ans, travaille dans un baraquement, un point de guet où il observe, note et communique les allées et venues des bateaux commerciaux ou transportant des passagers, dans le port de Shimizu, mer du Japon.
Un jour de promenade par Shimizu, Honda, accompagné de son amie et voisine Keiko, fait la connaissance de Toru, aperçoit à la dérobée les taches cutanées qu'avaient Kiyoaki, Isao et Ying Chan, résurrections les uns des autres, tous trois morts à vingt ans, et conclut que Toru est la réincarnation de Ying Chan, même si les dates de mort de l'une et de naissance de l'autre ne correspondent pas tout à fait. Honda adopte Toru, dont il veut faire son héritier tout en étant persuadé qu'il mourra comme les autres à vingt ans.
Toru est éduqué, scolarisé, il entre à l'université, et révèle son âme sombre, maligne, voire cruelle. Il se rend maître du logis de Honda, se moque et expédie la jeune beauté qui lui était promise, frappe son père adoptif qu'il veut même mettre sous tutelle, jusqu'à apprendre par Keiko la vérité sur Honda, ses intentions, la manipulation dont il a été victime et le sort qui l'attend. Toru cherche à se suicider et se rend aveugle.
Il a maintenant vingt et un ans, est toujours vivant.
Honda, vieil homme de quatre-vingt-un ans, arrivé au soir de sa vie, veut rencontrer l'abbesse Satoko dans son monastère. Satoko, le grand amour de Kiyoaki, qui avait renoncé à la vie mondaine soixante ans auparavant, et qui lui annonce qu'elle n'a pas connu de Kiyoaki : « La mémoire est comme un miroir fantôme… » Épuration des souvenirs, ceux qui ne valent pas la peine d'être conservés quand on change de vie. « Cela aussi est comme c'est dans le coeur de chacun », conclut Honda, qui tout comme Satoko semble remettre en cause l'existence même des jeunes êtres qu'il a côtoyés, aimés, accompagnés au cours de sa longue vie, allant jusqu'à leur consacrer toute son ardeur.

Jeunesse, beauté, pureté, passion, énergie caractérisent Toru et sont des attributs qui fascinent certainement Mishima puisqu'on les retrouve dans les quatre romans du cycle. le Mal - que l'on produit soi-même ou dont on est victime - cependant est accolé à la vigueur juvénile, victime de lui-même au final puisqu'il se résout dans la mort pour Kiyoaki, Isao et Ying Chan, dans la mutilation pour Toru.
À cette fascination pour la jeunesse et la pureté, s'oppose la hantise de la vieillesse, personnifiée par Honda octogénaire : les descriptions de son état sénile, décrépit abondent, et le spectre de la mort hante sa fin de vie.
Une question reste cependant en suspens : Toru est-il vraiment la réincarnation de Ying Chan ? Mishima laisse planer un doute, que corrobore à la fin du roman la thèse de l'abbesse Satoko pour qui la réalité pourrait n'être qu'une illusion.
La vision décadente du Japon de l'après-guerre n'est pourtant pas une illusion pour Mishima qui lui reproche de s'occidentaliser à outrance, de se “décomposer“, tout comme l'ange, tout comme Toru, tout comme la tradition. En fait, Mishima semble pris entre la tradition et la modernité, et s'il assume une certaine occidentalisation, il mourra en 1970 en véritable samouraï, par seppuku (éventration-décapitation).
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