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Critique de Stockard


Ryûji est marin.
Problème : il n'aime pas trop la mer.
Explication : il déteste encore plus la terre.
Alors des deux maux, il choisit le moindre et continue à arpenter les mers, sans attaches, sans but et sans gloire. Jusqu'à sa rencontre avec Fusako. Bien évidemment elle vit à terre, avec son fils Noburu. Vendeuse de son état, elle traîne à sa suite son mal-être de jeune veuve.
Ils font connaissance, passent la nuit ensemble et prévoient de se revoir (♪ Well, all you need is love and understanding ♫). D'ailleurs, preuve que ce n'est pas juste un one night stand, Fusako ne tarde pas à présenter Noburu à son amoureux de marin. Une découverte pour Ryûji mais pas pour le jeune ado qui connaissait déjà l'existence du matelot transi d'amour pour avoir espionné ses ébats avec sa mère par un trou dans le mur reliant leurs deux chambres. Et Noburu – coup de bol – adore la mer, rêve de se faire moussaillon et voit en Ryûji le possible modèle paternel qui semblait manquer à sa vie.
Oui mais voilà, l'attitude de Ryûji le déçoit, prêt à abandonner les flots pour une histoire de coeur. La déchéance ! Sans compter, et ça Noburu ne l'encaisse pas, qu'un jour en croisant Ryûji dans un parc, ce dernier pas habillé impeccablement et usant d'un langage familier aux oreilles du garçon, lui a foutu la honte devant sa bande de copains.
Sa bande de copains, parlons-en. Des ados s'entraînant à nier toute émotion, torturant et tuant d'inoffensifs animaux jusqu'à ne plus ressentir la moindre humanité, avec à sa tête un petit caïd, genre de mini-leader charismatique qui décide d'un seul coup que ce serait plutôt chiadé de tuer quelqu'un, non ? Et pourquoi pas Ryûji ? Après tout, ce marin d'eau douce qui risque, par sa liaison amoureuse, de finir en beau-père de Noburu qui à la réflexion n'en veut pas, autant s'en débarrasser. Et puis d'ailleurs, quel genre de pauvre type peut préférer l'amour d'une femme à l'amour de la mer ? Faut vraiment être faiblard.
Et le plan diabolique de ces lardons se met en place en parallèle de la chute de Ryûji dans l'estime de Noburu, en quête inconsciente d'un héros qui n'existe que dans le fantasme qu'il entretient de la figure paternelle qu'il n'a jamais connu.

Pas à dire, Yukio Mishima sait comment instiller le poison du malaise.

Pour un auteur dont personnellement j'attends toujours beaucoup (ce qui ne me semble pas trop demander pour une pointure pareille) j'avoue un poil de déception à la lecture de ce marin rejeté par la mer.
L'écriture est toujours belle, sachant se faire tendre ou tranchante à l'envi, sur elle rien à redire mais l'histoire franchement moyenne et limite crédible m'a fait considérer cette oeuvre comme plutôt mineure dans la bibliographie de ce conteur hors pair.
Puis curieusement, sans chercher à lui attribuer plus d'éloges qu'il ne mérite, je me rends compte que cette lecture remonte à la fin de l'été indien et que, malgré tout, elle revient régulièrement me trotter dans le sinoquet. Pourtant, je le redis, pour moi on est loin du chef-d'oeuvre, mais force est de l'admettre : un Mishima, même modeste, est toujours troublant et s'assure de ne jamais se faire oublier facilement.
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