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Critique de enjie77


« Je l'emmenais au bois de Boulogne les jours de beau temps. L'autobus, les lacs, les barques, le Chalet des îles avec le golf miniature….. La plupart du temps, au cours de nos marches à travers Paris ou pendant les trajets en autobus, nous ne parlions pas. le silence entre nous était un lien beaucoup plus fort que les paroles. Nous étions comme ceux qui marchent côte à côte sans rien se dire mais toujours sur le chemin des écoliers. »

Ouvrir un livre de Modiano, c'est, pour moi, retrouver la douce sensation que me procurent les bras rassurants d'un fauteuil club dont le moelleux me donne le sentiment d'être préservée, comme dans une bulle, de tout ce qui nous entoure de violent. Les silences qui s'échappent de l'écriture, la nostalgie d'un Paris passéiste, les souvenirs nichés au plus profond de mon moi intime, participent à cette envolée onirique. Et dans la lecture de la Danseuse, je suis tout à fait dans mon élément, la légèreté, la grâce, le travail jusqu'à obtenir la perfection d'un mouvement, maintes fois répétés. « Casse le coude, grand jeté, battement tendu, première, troisième, saut de biche…. ».

L'écriture aussi est dépouillée, élaguée, un travail colossal pour rendre le style aérien, c'est très beau mais je capte de la tendresse dans ses écrits, est-ce ma tendresse ou bien est-ce celle de Patoche pour ses personnages ! A vrai dire, je n'en sais rien, nous ne faisons plus qu'un ! Quatre vingt quinze pages, des chapitres courts, et pourtant je suis emportée sur le fil ténue qui se tisse entre lumière et pénombre, il y a quelque chose de mystique qui s'opère sous mes yeux : la légèreté de la danseuse me contamine, je deviens funambule avec Patoche.

Modiano m'entraîne dans le dédale de sa mémoire. Comme à l'accoutumée, je fais connaissance avec la danseuse qu'il a rencontrée à ses tout débuts, au temps où il cherchait son chemin, où il se cherchait.

Il avance, longe les quais de la Seine qui sont ses points de repère, bien ancrés dans la réalité. Il se tient aux confins de ses réminiscences et par instant, une bulle de lumière éclate dans la pénombre de sa mémoire. Les rues, le quartier de la porte de Champerret, le studio Wacker, le grand Kniassef, le monde interlope de Modiano surgissent parfois au coin d'une rue, devant un immeuble, à une terrasse de café. Tout n'est pas sans danger dans ce Paris, il y a aussi ces individus vaguement évoqués mais que l'on devine dangereux comme les frères Barise que fuit la danseuse et qui la guette chaque fois qu'elle prend le train qui la transporte depuis Saint-Leu-La-Forêt.

J'aime ce Paris en noir et blanc, je m'y transporte en sa compagnie. Que c'est doux de se promener en sa compagnie, rien ne vient interrompre notre balade si ce n'est qu'un éclat de lumière tamisée de temps à autre et pourtant au fil de ses livres, une histoire se raconte. Ici, je tiens la main du Petit Pierre, le fils de la danseuse que Modiano garde de temps en temps, encore un enfant dont les parents s'occupent de loin. Je suis sous le charme de tous ses spectres, rien n'est anodin chez Modiano, je regarde Petit Pierre effectuer ses puzzles et je savoure ce temps passé en compagnie de Patoche. Il me faut revenir dans ce monde d'aujourd'hui !

« A le voir marcher de dos, il lui semblait que Knassief était si léger que ses pieds touchaient à peine le sol. C'était cela la danse, avait-il l'habitude de dire à ses élèves. Tant de travail pour donner l'illusion que l'on s'envole sans effort à quelques mètres du sol ».

« Si tu continues comme ça, tu seras aussi bonne que Chauviré….. »

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