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Critique de Pascalmasi


Cet essai de géopolitique internationale est remarquable de clairvoyance, de sobriété et pertinence.
Dominique Moïsi y développe son observation personnelle et éminemment instruite de la situation planétaire au travers d'un triple prisme : le Sud global, l'Orient global et l'Occident global.

Cette segmentation donne lieu a des analyses particulièrement intéressantes et fines dont la plupart ne peuvent que nous rapprocher de la vérité.
J'en citerai deux : la situation d'Israël et celle des Etats-Unis à la veille de élections présidentielles de 2024.

Sur Israël, il écrit : « Dans le cas particulier d'Israël, c'est à la face obscure de la crise d'identité occidentale que nous sommes confrontés, à moins qu'il ne faille parler, considérant le fanatisme religieux qui s'empare d'une partie de plus en plus grande de la population, d'un commencement de « moyen-orientalisation » de l'Etat hébreu ? » p. 80.
J'ai trouvé cette considération particulièrement intéressante et elle appelle le commentaire suivant :
On peut faire l'hypothèse qu'Israël a représenté pendant des décennies (depuis sa création en réalité) une sorte de tête de pont de l'Occident en terre arabe (ou proche-orientale). On peut estimer que la référence civilisationnelle ultime des Israéliens a été d'appartenir à cet Occident européen et américain et de le représenter par un système démocratique désespérément seul au beau milieu d'un océan de dictatures diverses et variées (Syrie, Irak, Égypte, Arabie séoudite…)
C'est pourquoi a crise d'identité et de légitimité que traverse, de l'avis de tous les observateurs, l'Occident depuis quelques années est devenue aussi une crise d'identité et de légitimité d'Israël. Sur la réalité de cette crise, il y a unanimité. Elle tient entre autres à l'émergence de l'Asie, devenue le centre du monde, au retour de la guerre en Europe, aux évolutions démographiques implacables – notamment en Afrique -- et à l'incapacité des Occidentaux à penser leur propre monde comme une valeur de référence parfaitement honorable et défendable.
Cela, évidemment, change beaucoup de choses pour les Israéliens.
Alors, pour Israël se pose maintenant la question la plus difficile de toutes : vers quel modèle se tourner ? Vers quelle destinée cheminer ?
C'est là que la réponse de Moïsi est intéressante : Israël est en train de rejoindre les pratiques dominantes de sa région – le Proche-Orient – en se tournant vers l'intégrisme religieux.
En confiant le pouvoir à une droite religieuse et radicalisée qui ne veut plus distinguer le domaine religieux du domaine politique, Israël rejoint les pratiques de tous les États arabo-musulmans qui l'entourent. de fait, Israël se « moyen-orientalise » écrit Dominique Moïsi. Les valeurs de la religion extrême sont en train de remplacer les valeurs démocratiques qui, jusque-là, guidaient peu ou prou la vie politique du pays et érigeaient une distinction forte entre les deux domaines.
C'est donc à un basculement de la société israélienne auquel nous assistons actuellement.
Pour ce qui est de l'Amérique, l'auteur établit un fil explicatif entre le choc du 11-Septembre, fort mal gérée d'un point de vue militaire et diplomatique, la crise financière de 2007-2009, fort mal gérée d'un point de vue social, et la tentative de coup d'Etat du 6 janvier 2021, qui fit suite à une crise épidémique fort mal gérée d'un point de vue sanitaire. Ce qui signifie que la crise d'identité de la plus grande puissance de l'Occident tire ses racines déjà fort anciennes et que seul un véritable sursaut pourra nous tirer de cette ornière dangereuse.

Quelle serait la nature de ce sursaut ? Dominique Moïsi propose le sursaut des valeurs lorsqu'il écrit p. 223 : « Dans un monde toujours plus complexe, face à des choix toujours plus difficiles, les systèmes démocratiques ont une boussole, une arme pas si secrète, que ne possèdent pas les systèmes autoritaires et totalitaires. Cette boussole, ce sont les valeurs, qu'ils doivent défendre sans arrogance et sans compromission. »

En d'autres termes, à nous, c'est-à-dire à chacun d'entre nous, de jouer…
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