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EAN : 9782221271964
240 pages
Robert Laffont (08/02/2024)
4.33/5   9 notes
Résumé :
Le nouvel essai d'un de nos plus grands spécialistes de géopolitique, analyste incontournable de ce qui passe dans le monde auprès des médias.
Que lire après Le Triomphe des émotions : La géopolitique entre peur colère et espoirVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Cet essai de géopolitique internationale est remarquable de clairvoyance, de sobriété et pertinence.
Dominique Moïsi y développe son observation personnelle et éminemment instruite de la situation planétaire au travers d'un triple prisme : le Sud global, l'Orient global et l'Occident global.

Cette segmentation donne lieu a des analyses particulièrement intéressantes et fines dont la plupart ne peuvent que nous rapprocher de la vérité.
J'en citerai deux : la situation d'Israël et celle des Etats-Unis à la veille de élections présidentielles de 2024.

Sur Israël, il écrit : « Dans le cas particulier d'Israël, c'est à la face obscure de la crise d'identité occidentale que nous sommes confrontés, à moins qu'il ne faille parler, considérant le fanatisme religieux qui s'empare d'une partie de plus en plus grande de la population, d'un commencement de « moyen-orientalisation » de l'Etat hébreu ? » p. 80.
J'ai trouvé cette considération particulièrement intéressante et elle appelle le commentaire suivant :
On peut faire l'hypothèse qu'Israël a représenté pendant des décennies (depuis sa création en réalité) une sorte de tête de pont de l'Occident en terre arabe (ou proche-orientale). On peut estimer que la référence civilisationnelle ultime des Israéliens a été d'appartenir à cet Occident européen et américain et de le représenter par un système démocratique désespérément seul au beau milieu d'un océan de dictatures diverses et variées (Syrie, Irak, Égypte, Arabie séoudite…)
C'est pourquoi a crise d'identité et de légitimité que traverse, de l'avis de tous les observateurs, l'Occident depuis quelques années est devenue aussi une crise d'identité et de légitimité d'Israël. Sur la réalité de cette crise, il y a unanimité. Elle tient entre autres à l'émergence de l'Asie, devenue le centre du monde, au retour de la guerre en Europe, aux évolutions démographiques implacables – notamment en Afrique -- et à l'incapacité des Occidentaux à penser leur propre monde comme une valeur de référence parfaitement honorable et défendable.
Cela, évidemment, change beaucoup de choses pour les Israéliens.
Alors, pour Israël se pose maintenant la question la plus difficile de toutes : vers quel modèle se tourner ? Vers quelle destinée cheminer ?
C'est là que la réponse de Moïsi est intéressante : Israël est en train de rejoindre les pratiques dominantes de sa région – le Proche-Orient – en se tournant vers l'intégrisme religieux.
En confiant le pouvoir à une droite religieuse et radicalisée qui ne veut plus distinguer le domaine religieux du domaine politique, Israël rejoint les pratiques de tous les États arabo-musulmans qui l'entourent. de fait, Israël se « moyen-orientalise » écrit Dominique Moïsi. Les valeurs de la religion extrême sont en train de remplacer les valeurs démocratiques qui, jusque-là, guidaient peu ou prou la vie politique du pays et érigeaient une distinction forte entre les deux domaines.
C'est donc à un basculement de la société israélienne auquel nous assistons actuellement.
Pour ce qui est de l'Amérique, l'auteur établit un fil explicatif entre le choc du 11-Septembre, fort mal gérée d'un point de vue militaire et diplomatique, la crise financière de 2007-2009, fort mal gérée d'un point de vue social, et la tentative de coup d'Etat du 6 janvier 2021, qui fit suite à une crise épidémique fort mal gérée d'un point de vue sanitaire. Ce qui signifie que la crise d'identité de la plus grande puissance de l'Occident tire ses racines déjà fort anciennes et que seul un véritable sursaut pourra nous tirer de cette ornière dangereuse.

Quelle serait la nature de ce sursaut ? Dominique Moïsi propose le sursaut des valeurs lorsqu'il écrit p. 223 : « Dans un monde toujours plus complexe, face à des choix toujours plus difficiles, les systèmes démocratiques ont une boussole, une arme pas si secrète, que ne possèdent pas les systèmes autoritaires et totalitaires. Cette boussole, ce sont les valeurs, qu'ils doivent défendre sans arrogance et sans compromission. »

En d'autres termes, à nous, c'est-à-dire à chacun d'entre nous, de jouer…
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C'est un livre référence. Dominique Moïsi répartit intelligemment les pays du monde en 3 groupes : le Sud global (anciennement les pays dits du tiers monde), l'Orient global et l'Occident global. Cette nouvelle dénomination permet de décloisonner les régions géographiques. le Japon et la Corée du Sud appartiennent ainsi à l'Occident global.
Il part ensuite du postulat que chacune de ces régions globales est dominée par une émotion liée à son histoire, le ressentiment pour le Sud, la colère pour l'Orient et la peur pour l'Occident.

J'ai beaucoup aimé les multiples anecdotes issues de ses rencontres avec les dirigeants et hommes politiques de la planète et son analyse très fine de la situation géopolitique mondiale.

Quelques points sur lesquels je suis moins d'accord avec l'auteur :

Pour Dominique Moïsi il est indéniable que l'état d'Israël fasse partie de l'Occident global. Pour autant il se demande si son attitude ne révèle pas une "moyen-orientalisation" en cours.
Je pense que c'est un tort de considérer les Israéliens comme des occidentaux. Ils en ont la modernité et le libéralisme économique. Ça s'arrête là et c'est bien pour ça que nous ne comprenons pas leur attitude dans la guerre qui fait rage actuellement. Ils vivent dans une zone géographique où la loi du plus fort prédomine et ils en ont parfaitement intégré les codes depuis longtemps (toujours ?).

Malgré les arguments de Thabo Mbeki (ancien président de l'Afrique du Sud) qui lui affirme qu'il faut savoir faire table rase du passé pour avancer dans le présent, l'auteur fait de la repentance son cheval de Troie, s'inscrivant ainsi dans une tendance très actuelle mais à mon avis contre-productive qui justifie colère et rancoeurs à l'aune de nos erreurs passées (de plusieurs siècles...).
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Il est rare de trouver des livres sur la géopolitique mondiale d'une aussi grande clairvoyance et aussi aisé d'accès pour les non-spécialistes dont je suis.
On y perçoit les arcanes du monde en mouvement, en pleine transition vers de nouveaux équilibres face aux enjeux actuels.
Et si l'analyse est sans appel sur les rancoeurs qui animent certains pool de pays, Dominique Moïsi nous rappelle combien les pays autoritaires et despotiques sont fragiles car ils s'enferment et s'isolent dans leur folies, sans valeurs et sans renouvellement de leur gouvernance, propice à la remise en cause et à l'écoute collective.
Plus que jamais, dans un monde tripolaire, il nous faut défendre la démocratie et la faire encore évoluer vers plus de communs et d'écoutes les uns envers les autres.
Une belle leçon de géopolitique décryptée, loin des facilités et raccourcis médiatiques qui au final redonne une lecture distancée et pleine d'espoirs.
A mettre entre toutes les mains par les temps qui courent.
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Cet essai de géopolitique constitue un éclairage passionnant sur la situation internationale actuelle. Dominique Moïsi avait déjà signé “La géopolitique des émotions”, des années plus tôt. Il reprend le même système afin de cartographier notre monde actuel. Son vaste travail d'observation alimenté de nombreux exemples décrit la répartition actuelle entre Sud global, Orient global et Occident global, selon les émotions qui les traversent et, donc, les dirigent.
On retrouve ressentiment et la peur, l'humiliation, l'empathie... Mais je vous laisse découvrir qui éprouve quoi.
Son analyse est souvent juste, surtout à propos des récents conflits, ou de la montée des populismes/nationalismes.
Mon seul bémol est sa vision de l'IA ( peu étayée et mal renseignée) et celle la question woke, bizarrement simpliste. Mais ce sont deux thèmes peu importants dans le livre. Tout le reste est fortement intéressant et résonne avec justesse. Un livre qui me semble essentiel.
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Merci M.Moïsi pour cette explication claire de la situation géopolitique actuelle. Vous êtes un grand pédagogue car le sujet est ardu. L'angle des émotions se révèle particulièrement intéressant. A la lecture de votre essai, on se sent plus lucide, moins passif, et on reprend espoir.
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critiques presse (1)
OuestFrance
13 mars 2024
Avec « Le Triomphe des émotions », l'éminent politologue Dominique Moïsi poursuit son analyse des enjeux géopolitiques qui ébranlent l'équilibre planétaire.
Lire la critique sur le site : OuestFrance
Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
Pas plus qu'il n'était pertinent de prétendre que le comportement d’Hitler s'expliquait par le traité de Versailles et la sévérité excessive des conditions imposées à l'Allemagne, humiliée par les réparations de guerre. C'est parce qu'Hitler avait perçu les faiblesses des démocraties occidentales qu'il a finalement déclenchée le Seconde Guerre mondiale. Et pour ce qui concerne Poutine, ce ne sont ni notre arrogance ni notre refus d'écouter ses demandes qui ont conduit à la guerre en Ukraine, mais la décision prise par la Russie d'utiliser l'humiliation comme arme. p53
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Ce qui est fascinant dans la façon dont Poutine réécrit l'histoire de ses relations avec l'Occident, c'est que des pays aussi divers que la Chine, l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud y souscrivent. Malgré leurs multiples différences structurelles, ces pays ont un point commun, qui va au-delà de ce qui les sépare : tous ont accumulé de la rancœur à l'égard de l'Occident, qu'il soit américain ou européen.
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L'Amérique latine avait bénéficié plus que toute autre région, de la Seconde Guerre mondiale. Elle était alors au monde ce que la Suisse était à l'Europe : une oasis de paix. Durant et après la guerre, la Havane, Buenos Aires, ou Rio de Janeiro étaient devenus des hauts lieux de culture où les artistes, venant notamment d'Europe, trouvaient une scène et même des moyens de subsistance.
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L'empire du mensonge compte sur la peur pour nous déstabiliser. Voici à peu près son raisonnement : si la motivation de l'armée russe est inférieure à celle des Ukrainiens, elle est néanmoins supérieure à celle des Occidentaux. Poutine croit fermement que, par simple lassitude ou par crainte d'une escalade qui déboucherait sur une troisième guerre mondiale, l'Occident infatué, égoïste, finira par plier et par accepter le compromis au dépens de l'Ukraine.
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Nous vivons dans un monde où les blessures anciennes semblent plus profondes que voici quelques décennies, alors qu'enfle le ressentiment, que le temps n'apaise plus. Comme si les frustrations du présent et la peur de l'avenir rendaient plus impossible que jamais toute réconciliation avec le passé.
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