AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de keisha


Inutile de tourner autour du pot, je ne vais pas me compliquer la vie à pondre un billet structuré, où je dissèque le fin du fin de l'oeuvre. Il en est dont c'est le métier. de plus j'ai comme l'impression que le sieur Montaigne a usé de cette méthode, navigant comme il lui a plu dans ses idées, rabotant et ajoutant, laissant filer ses opinions et ses souvenirs.

En 2003 j'ai dû crier famine chez ma voisine, n'ayant plus de livres à me mettre sous la dent. Celle-ci avait du lourd chez elle, un Victor Hugo, un Tolstoï, un Proust, et le livre III des essais. Oui, cela fait un poil 'je pars sur une île déserte' mais justement elle avait bien prévu le coup. J'ai tout lu.

Puis quand même il fallait bien que je lise sérieusement ces Essais in extenso; j'ai acheté à vil prix 'chez l'abbé' un exemplaire des éditions rencontre Lausanne, et comme depuis un bon mois, le soir chez moi c'est 'classique', je suis tombée dans la marmite. Huit jours plus tard, terminé ! (restent les livres II et III, on verra).

L'avantage de posséder un exemplaire est de ne pas avoir de date de retour à la bibli et donc de lire sans pression les environ 1200 pages des Essais, voire de décider des coupures et pauses. le désavantage est d'avoir une version brut de pomme, où les moult citations latines et grecques du sieur Montaigne ne sont pas traduites, et pas de notes en bas de pages. Les caractères typographiques sont ceux usités de nos jours, heureusement, mais pour ce que j'en sais l'orthographe et la grammaire sont celles de Montaigne, sauf que plus de f comme s, plus de &, mais ça reste quand même parfois un peu embrouillant et j'avoue ne pas avoir tout compris à 100% Mais baste, c'est tellement plaisant et savoureux que je ne désirais pas un français trop actuel. Les citations plus loin montreront à quoi je me suis colletée.

Mon correcteur orthographique devient fou, d'ailleurs.


"Au lecteur
C'est icy un livre de bonne foy, lecteur. Il t'avertit dés l'entrée, que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privée. Je n'y ai eu nulle considération de ton service, ny de ma gloire. Mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. (...) Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contantion et artifice: car c'est moi que je peins.(...) Ainsi, lecteur, je suis moy-mesmes la matière de mon livre: ce n'est pas raison que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole et si vain."

Le ton est donné, c'est à prendre ou à laisser. Les chapitres vont se succéder, sur des sujets divers, Montaigne parle de lui, de ses amis, il évoque des personnages célèbres, de son temps ou de l'antiquité. Les exemples cités sont-ils tous véridiques? Je ne sais.

"Aussi en l'estude que je traitte de noz moeurs et mouvemens, les tesmoignages fabuleux, pourveu qu'ils soient possibles, y servent comme les vrais. Advenu ou non advenu, à Paris ou à Rome, à Jean ou à Pierre, c'est toujours un tour de l'humaine capacité, duquel je suis utilement advisé par ce récit."(p 124 ch21)

Franchement il a réponse à tout!

Au hasard, ch 25 p 155
"Nous ne travaillons qu'à remplir la mémoire, et laissons l'entendement et la conscience vuide. Tout ainsi que les oyseaux vont quelquefois à la queste du grein et le portent au bec sans le taster, pour en faire bechée à leurs petits, ainsi nos pedantes vont pillotant la science dans les livres, et ne la logent qu'au bout de leurs lévres, pour la dégorger seulement et mettre au vent.
C'est merveille combien proprement la sottise se loge sur mon exemple. Est-ce pas faire de mesme, ce que je fay en la plupart de cette composition? Je m'en vay escorniflant par cy par là des livres les sentences qui me plaisent, non pour les garder, car je n'ay point de gardoires, mais pour les transporter en cettuy-cy, où, à vray dire, elles ne sont plus miennes qu'en leur première place."

J'adore ces images, et cette façon de ne pas se rater lui-même!

J'ai lu avec intérêt le ch 26, de l'institution des enfans
"Qu'il ne luy demande pas seulement compte des mots de sa leçon, mais du sens et de la substance, et qu'il juge du profit qu'il aura fait, non par le tesmoignage de sa mémoire, mais de sa vie. (...) C'est tesmoignage de crudité et indigestion que de regorger la viande comme on l'a avallée. L'estomac n'a pas faict son operation, s'il n'a faict changer la façon et la forme à ce qu'on luy avoit donné à cuire."(p 170)

"Pour revenir à mon propos, il n'y a tel que d'allécher l'appétit et l'affection, autrement on ne faict que des asnes chargez de livres. On leur donne à coups de foüet en garde leur pochette pleine de science, laquelle, pour bien faire, il ne faut pas seulement loger chez soy, il la faut espouser."(p 198)

Beaucoup d'élan et de vivacité dans cette prose, des images plaisantes et bien trouvées, et des expressions qu'on n'attendrait pas là.
"Il en a sa brassée toute comble, il n'en peut saisir davantage.'
"Une voix pour tous potages"
"Il n'y a si fin d'entre nous qui ne se laisse embabouiner de cette contradiction"
"Le cul entre deux selles"

C'était fatal, j'ai enchaîné avec le livre second. A suivre.
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}