"Il n'est pas seulement dangereux de lire Montaigne pour se divertir, à cause que le plaisir qu'on y prend engage insensiblement dans ses sentiments, mais encore parce que ce plaisir est plus criminel qu'on ne pense. Car il est certain que ce plaisir nait principalement de la concupissance, et qu'il ne fait qu'entretenir et que fortifier les passions, la manière d'écrire de cet auteur n'étant agréable que parce qu'elle nous touche et réveille nos passions d'une manière imperceptible."
(p. 4, Introduction, citation de Malebranche par Maurice Rat).
Un gentilhomme des nostres, merveilleusement subject à la goutte, estant pressé par les médecins de laisser du tout l'usage des viandes salées, avoit accoustumé de respondre fort plaisamment, que sur les efforts et tourments du mal, il vouloit avoir à qui s'en prendre, et que s'escriant en maudissant tantost le cervelat, tantost la langue de boeuf et le jambon, il s'en sentoit d'autant allégé.
(p.25)
Les hommes ( dit une sentence Grecque ancienne) sont tourmentez par les opinions qu'ils ont des choses, non par les choses mesmes.
(p.49)
La fortune fournissant simplement la matière, c'est à nous de lui donner la forme.
(p.50)
Certes, c'est un subject merveilleusement vain, divers et ondoyant, que l'homme. Il est malaisé d'y fonder jugement constant et uniforme.
(p.13)
Et le jeu de la constance se joue principalement à porter patiemment les inconvénients, où il n'y a point de remède.
(p.46)
Je vis du jour à la journée, et me contente d'avoir dequoy suffire aux besoings présents et ordinaires; aux extraordinaires toutes les provisions du monde n'y sçauroyent baster.
(p.66)
La fiance de la bonté d'autruy est un non leger tesmoignage de la bonté propre.
(p.67)
De vray, ce n'est pas la disette, c'est plutost l'abondance qui produit l'avarice.
(pp.62-63)
Tout ce qui peut estre faict un autre jour, le peut estre aujourd'huy.
(p.86)
(Tout ce qui peut être fait un autre jour, peut se faire aujourd'hui.)
Les femmes n'ont pas tort du tout quand elles refusent les règles de vie qui sont introduites au monde, d'autant que ce sont les hommes qui les ont faites sans elles.
Essais III