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Critique de Carolina78


*** Pour voir la couverture de la version espagnole, "El peligro de estar cuerda", celle que j'ai lue, il faut cliquer sur mon profil. Malgré plusieurs tentatives infructueuses, je n'ai pas réussi à rentrer cette édition dans la base Babélio***


Le danger de ne pas être folle ! Cette mise en garde s'adresse exclusivement aux femmes écrivains !

Avant de découvrir ce que nous raconte Rosa Montero, je vous propose de vous pencher sur les couvertures : la française représente une file sinueuse d'insectes (fourmis ?), avec l'un d'eux, de couleur bleu, à l'écart ; dans l'espagnole, nous voyons quatre petites danseuses (je dirais pas plus de 6 ans) en tutu, deux qui se tiennent sagement à la barre, sont dans une attitude d'écoute et dans une bonne position, tandis qu'une troisième tire la langue et a les jambes de travers, et que la quatrième fait un cochon pendu. À noter le clin d'oeil de la version française, avec cette corde symbolique, à la version espagnole, "El peligro de estar cuerda", être « cuerda » veut dire « en possession de toutes ses facultés ».

Nous sommes prêts à aborder les liens entre écriture et grain de folie, avec leurs dépendances, sous toutes leurs coutures, biologiques, psychologiques, culturelles, métaphysiques…

Ce livre est destinée aux écrivaines car elles sont moins reconnues que leurs homologues masculins.

Rosa Montero a eu quelques dérèglements mentaux. Elle a toujours su que son câblage neuronal ne fonctionnait pas bien. Elle a été victime de crises de panique jusqu'à l'âge de 30 ans, ce qui l'a motivée à étudier la psychologie. Elle est sujette au dédoublement. Parfois, elle s'égare dans une autre réalité, par exemple, elle marche tranquillement dans la rue et se retrouve dans un séisme.

Elle ne va pas s'appesantir sur son cas personnel, car l'autobiographie ce n'est pas son truc, ce qui l'intéresse c'est de se mettre dans la peau de quelqu'un d'autre. Elle est donc très prolixe au sujet des autres écrivains.

Elle va nous parler des grands noms de la littérature comme si elle les connaissait intimement , en nous donnant luxe de détails sur leurs extravagances. Certaines prêtent à sourire tandis que d'autres sont dramatiques puisqu'elles peuvent conduire au suicide. Dans ce domaine, le danger de ne pas être folle, est une mine de renseignements.

Rosa flatte mon goût des commérages et l'importance que j'attache à savoir qui est la personne qui se cache derrière ses écrits mais je trouve, que parfois, elle va trop loin. Son livre a perdu une demie étoile avec la trop longue digression, des dizaines de pages, sur Sylvia Plath, ses psychoses, sa relation toxique avec Ted Hughes.

C'est le principal reproche que je lui fais, surtout qu'il est couplé avec une certaine réserve concernant ses tares à elle.

C'est dommage parce que le danger de ne pas être folle est vraiment riche et passionnant.

Je note des idées intéressantes concernant la littérature.

Le phénomène de création est assimilé à une « tempête », un évènement subit et imprévisible qui n'est perceptible que par des Élus, ou « junkies de l'intensité », qui vont le malaxer à leur guise, en dosant travail et talent.

Celui qu'elle nomme "tempête n°1" est bénéfique parce que les remous sont bien maitrisés, par contre "tempête n°2" est dévastateur. Elle illustre ces ravages à travers l'histoire de Sylvia Plath qui s'est suicidée.

Ces "junkies de l'intensité" sont épris d'absolu. Ils doivent dompter leur muse, se protéger contre ses maléfices, addictions, névroses, substances illicites…

La muse est un prodige mystérieux.

Rosa Montero évoque des passerelles invisibles et des « moments océaniques », dans la communauté virtuelle des écrivains.

Au-delà de la littérature, il y a la vie, la vie de l'humanité dans toute sa complexité où l'écrivain fait une capture d'écran.

« Les romans sont une petite île de signification dans la mer du désordre ».

Et, Rosa Montero pointe notre bivalence :

« Vérité numéro un : nous sommes pareils.
Vérité numéro deux : nous sommes différents ».

Et, entre les deux, nous sommes tous un peu fous, et plus ou moins normaux.

Revenons à la couverture de la version espagnole. Elle met en scène des enfants, de la danse, de la musique et différentes façons d'être au monde, c'est comme un tableau qui illustre les propos de ce livre.

Je m'arrête ici. Mon but est de vous donner envie de plonger dans le danger de ne pas être folle. J'aurais grand plaisir à découvrir vos impressions.

Je vous laisse découvrir d'autres thèmes majeurs, comme la folie proprement dite et ses traitements, comme le manque de place pour les femmes artistes, comme les deux « moi », celui qui souffre et celui qui contrôle…, le tout étayé par de nombreuses références et anecdotes fort bien choisies.

C'est un livre surprenant, cocktail de fiction et de réalité.

En tout cas, je n'ai pas spoilé le fil rouge… qui est Barbara ?

J'ai été entrainée dans le danger de ne pas être folle par amitié pour une jeune femme de ma famille, talentueuse comédienne de stand-up, qui souffre de bipolarité – je pensais trouver des clés pour la comprendre, voire l'aider -, et aussi par des critiques élogieuses des babéliotes, car ici je suis sortie de ma zone de confort, n'étant ni amatrice de non-fiction, ni férue d'analyses psychologiques théoriques.

Je salue l'originalité de cet essai romancé qui combine réflexion personnelle, documentation solide, anecdotes, mise en scène fictive du « moi », Rosa Montero réussit le tour de force de nous parler avec légèreté d'un sujet lourd.

Ce livre m'a amenée à me questionner et j'ai passé un bon moment de lecture, hormis les réserves citées.
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