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Critique de Fabinou7



LA MONARCHIE MODEREE OU LE CHOIX DE MONTESQUIEU

Plusieurs exigences conditionnent la liberté politique. le renoncement du souverain à l'absolutisme, ce qui se traduit par la sauvegarde des corps intermédiaires et l'entrée du peuple en tant qu'entité politique.

Mais aussi un agencement particulier des lois pour que « par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir », s'en suit une distinction des pouvoirs dans le prolongement de celle proposé par Locke en son temps, à savoir un pouvoir législatif, exécutif et judiciaire détenu par des organes distincts.

La monarchie constitutionnelle anglaise, au sein de laquelle il séjourna sert d'exemple à M qui y voit une porte de sortie à moindre coût pour une France où la monarchie absolue cause de sérieux dégâts tant au niveau économique que politique et social. M n'est pas dupe, l'Angleterre n'incarne pas dans les faits le régime qu'il décrit dans son oeuvre, l'emploi du conditionnel le prouve et il déclare lui-même « ce n'est point à moi à examiner si les anglais jouissent actuellement de cette liberté, ou non » mais c'est une analyse des textes et des lois que M entreprend.

UN POUVOIR REFORME

L'AVENEMENT DU PEUPLE, UNE CONSECRATION EN DEMI TEINTE

La première entrée du peuple en tant que corps institutionnel est judiciaire, en effet, M va assigner au peuple le rôle de magistrats. S'inspirant du tirage au sort des jurés populaire à Athènes, M y voit une façon de faire accepter les décisions de justices, souvent jugées iniques et pour cause. Mais le risque de faire du peuple un juge est limité par ses fonctions, M voit le juge comme « la bouche de la loi » ainsi il ne peut déroger aux lois édictées par le corps législatif.

La seconde entrée du peuple est plus édulcorée, il va être promu au rang de législateur, mais par directement, incapable lui-même de gérer les affaires il se dotera de représentants qui légifèreront sans pour autant être attachés aux volontés particulières de leurs électeurs. Peut-être M voit il l'urgence de donner sa place à une bourgeoisie qui nourrit quelques frustrations de sa condition.

S'« il faudrait que le peuple en corps eu la puissance législative » il ne pourra l'exercer qu'avec ce filtrage nécessaire des représentants, seuls à même de discuter les affaires « le peuple n'y est point tout propre, ce qui forme un très grand inconvénient de la démocratie ».

M va même plus loin en refusant à certains individus le droit de participer, c'est l'exclusion des citoyens jugés être dans un « tel état de bassesse qu'ils sont réputés n'avoir aucune volonté propre »

Enfin M récuse, 14 ans avant Rousseau et le Contrat Social, l'idée du mandat impératif car face aux aléas du pouvoir, « tout la force de la nation pourrait être arrêtée par un caprice. »

Une consécration indéniable du peuple comme acteur politique certes, mais M pose avec toute la prudence et la modération qu'on lui connait des gardes fous car il ne peut pas donner le pouvoir absolu au peuple alors qu'il le refuse au monarque.

LE REJET DE L'ABSOLUTISME

L'audace de M en tant que réformateur est de s'attaquer à ce qu'il considère comme une dérive dangereuse de la monarchie. L'absolutisme institué par Louis XIV a centralisé le pouvoir en une seule main et plongé la France dans une crise économique et militaire sans fonds.

Contrairement à l'Angleterre qui depuis le Bill of Right a réduit la puissance royale, M le dit « La puissance exécutrice ne saurait entrer dans le débat des affaires » c'est le seul moyens pour le commerce et les investisseurs de croitre dans une certaine sécurité juridique, en sachant que ce n'est pas la volonté d'un seul homme qui viendra réquisitionner le fruit de leurs capitaux.

Chacun doit être en sureté, et pour ce faire l'armée confiée au monarque, qui reste chef de guerre ne doit pas lui être acquise sans le consentement du corps législatif qui distribuera les forces à la disposition de l'exécutif.

Le monarque se trouve dès lors encadré mais sauf. M y voit une raison pratique, il faut empêcher le corps législatif d'exécuter les lois qu'il établit, autrement il n'y aurait plus de liberté : puissance absolue. Un rôle d'arbitre et de convocateur des représentants de la nation lui est dévolu. le monarque doit rendre compte de la façon dont il exécute les lois votées. Néanmoins, la personne du roi doit rester sacrée et jouir d'une immunité absolue. M reste attaché à la monarchie et préférera punir les ministres qui ont mal conseillé le monarque.

Les plus conservateurs et réactionnaires de son temps ont vu en M un irrévérencieux libéral. L'Histoire, sur laquelle M fonde ses analyses, démontrera qu'en réalité, par les réformes auxquelles il engageait la France, M ne désirait rien d'autre que de sauver la monarchie.

Sa modération lui apporta bien des ennemis du côté des progressistes qui virent en lui un nostalgique de la société féodale des ordres. Fondée sur des distinctions héréditaires et ancestrales dont lui-même fait partie et pour cause, il entend faire de la noblesse une force politique majeure et distinguée.

DES ORDRES CONSERVES

LA NOBLESSE, UN CORPS UNSOLUBLE

Le bicamérisme tel que l'entend M s'inspire de la Chambre des Communes constituée de représentants du peuple et de la Chambre des Lords, véritable bastion de la noblesse héréditaire.

M est en ce sens assez éloigné de ce qui sera plus tard l'article 1er de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui dispose que « tous les citoyens naissent libres et égaux en droit ». Quand M déclare qu'« il y a toujours dans un Etat des gens distingués par la naissance, les richesses et les honneurs […] la part qu'ils ont à la législation doit donc être proportionnée aux autres avantages qu'ils ont dans l'Etat »

Cette assertion n'est pas sans conséquences, en effet la noblesse échappe aux juridictions populaires et doit être jugée par ces pairs. Les nobles se placent ainsi au-dessus des lois applicables aux citoyens. C'est une justice à deux vitesses.

M justifie cela par l'esprit des lois qui régule le corps social de la noblesse qui concourt à des intérêts distincts de ceux du peuple, et qui serait en danger dans un gouvernement qui ferait la part belle à l'égalité.

UNE ARTICULATION MODEREE DES INSTITUTIONS GARANTE DE LA LIBERTE POLITIQUE

La clé de voute du régime idéal tel qu'exposé par M c'est la faculté d'empêcher. Inspiré par Rome et l'Angleterre, M y voit le rouage principal de la pérennité des institutions.

Il faut que chaque pouvoir dispose de la faculté d'annuler l'autre. Ainsi par exemple, la noblesse peut faire barrage à un budget voté par la Chambre des représentants, sans toutefois pouvoir elle-même légiférer en cette matière. Ces mécanismes de neutralisations mutuelles sont décrits par M quand il écrit que « l'un enchainera l'autre par sa faculté d'empêcher »

Ces mécanismes de « checks and balance » que l'on retrouve dans nombre d'Etats aujourd'hui, à commencer par les Etats-Unis procèdent d'une articulation méticuleuse qui a donnée son nom à la « séparation des pouvoirs ». En réalité, si l'indépendance de ces pouvoirs est juridique, ils sont dans les fait très étroitement liés.

« Ces trois puissances devront former un repos ou une inaction. Mais comme, par le mouvement nécessaire des choses, elles sont contraintes d'aller, elles seront forcées d'aller de concert » M ne craint pas les paralysies du système institutionnel, au contraire, elles pousseront ce dernier par l'équivalence des forces en présence et leurs facultés de neutralisations réciproques, au compromis. Car M est avant tout un homme de compromis.

« Comment dirais-je cela, moi qui crois que l'excès même de la raison n'est pas toujours désirable, et que les hommes s'accommodent presque toujours mieux des milieux que des extrémités ? »

(#2014)
(M disait de son oeuvre « je serai beaucoup lu, mais peu compris » j'espère avoir capté quelque chose...)
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