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Critique de Nastasia-B


C'est toujours un grand plaisir de retrouver la langue d'Henry de Monterlant. Un petit côté précieux, un petit côté guindé, un petit côté châtié, un petit côté désuet (ça commence à faire beaucoup de petits côtés, je vous le concède) mais assurément un petit côté agréable pour les amoureux de la langue dont je fais partie.

Et puisque la désuétude semble le lot lorsqu'on souhaite parler de cette pièce, je m'en vais vous rechercher une référence absolument désuète. Si vous avez le bon âge, c'est-à-dire plutôt la génération de mes parents, vous avez encore forcément dans la tête quelques airs du fort désuet Joe Dassin. Et parmi ses titres désuets, l'un d'eux l'est plus que tout autre et me semble particulièrement adéquat pour parler de la pièce :

♫ Il y a des filles dont on rêve
Et celles avec qui l'on dort
Il y a des filles qu'on regrette
Et celles qui laissent des remords
Il y a des filles que l'on aime
Et celles qu'on aurait pu aimer
Puis un jour il y a la femme
Qu'on attendait... ♪

Ravier est un antiquaire parisien très en vue et formidablement réputé. Il a ses entrées dans tous les musées et surtout, dans tous les ministères. On peut dire sans peur qu'il est plein aux as. À l'approche de la soixantaine, sa jolie figure commence à ressentir les effets de ses longues années de vie dissolue auprès des femmes, que par dizaines il a fait asseoir dans ses bergères Louis XV avant de leur faire essayer le moelleux d'autres meubles de style.

Et donc, après avoir joui de tout et à tous les prix, commençant à reconnaître la vanité de l'existence, le voilà, surpris, ému, par une jeunesse de dix-huit ans. Une petite provinciale fraîchement débarquée de sa Lorraine, qui n'accepte ni ses cadeaux ni ses flatteries, qui se fiche de la longueur de son bras comme de l'épaisseur de son porte-feuilles. Bref, une oeuvre d'art qui n'a pas de prix.

Ravier se désespère de ce dédain et lui, le jouisseur par excellence, sent monter en lui un sentiment manifestement plus noble pour cette créature. Il n'a même pas envie de la toucher, il ne veut pas la souiller de son désir, il voudrait simplement qu'il comptât pour elle. Et même ce peu semble loin d'être acquis.

Auprès de Ravier, depuis sept longues années gravite Mlle Andriot, une brave vieille femme d'un goût, d'une intelligence et d'une sûreté d'expertise rares, et dont les qualités s'avèrent précieuses pour l'antiquaire. Elle a, quant à elle, déjà atteint la barre symbolique des soixante ans.

Elle est raide dingue de Ravier et l'aime du plus pur amour qu'on puisse imaginer même si au fond d'elle-même, elle aimerait, vous vous imaginez, être appréciée du grand antiquaire pas seulement pour son goût raffiné en matière d'art. C'est pourtant à elle que Ravier confie ses peines de coeur, elle, peut-être la seule à pouvoir pleinement le comprendre dans toute sa déchirure...

Je vous laisse découvrir cet échange à trois, assez psychologique, parfois même presque philosophique, ayant pour centre l'amour et le prix qu'on y fixe. du beau texte, peut-être pas extraordinairement scénique, mais très agréable à lire. Mais ce n'est bien sûr qu'un avis duquel un maître expertiseur pourrait probablement vous dire qu'il ne vaut pas grand-chose...
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