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Critique de Fabinou7


Au théâtre ce soir : le Cardinal d'Espagne.

Cette pièce dramatique nous plonge dans la très catholique Espagne du début du XVIe siècle, pas celle du Don Carlos de Verdi mais celle de Jeanne la Folle, fille de Ferdinand d'Aragon et Blanche de Castille et mère de Charles de Habsbourg.

Il y est question des derniers instants de la régence, le jeune Charles Quint est en route pour Madrid et le cardinal régent, ayant accompli son office (ou son oeuvre) se prépare à le recevoir et passer le flambeau. Les personnages principaux sont le cardinal Cisneros, homme d'Etat assurant la conduite des affaires du royaume le temps de la régence, comparable à Mazarin ou Wolsey, son neveu Cardona et la reine Jeanne.

Le nom de Cisneros ne vous évoque rien ? C'est normal, le cardinal est passé de la gloire à l'oubli. le personnage est pétri de contrariétés, partagé entre un désir d'ascèse conforme à ses voeux chrétiens et les compromis(sions) du pouvoir. Ces derniers instants sont propices à l'introspection et la rétrospective et le cardinal se plonge, à quatre-vingt-deux ans, dans l'examen de sa postérité.

Il n'est pas aisé de voir où l'auteur, aujourd'hui au purgatoire des auteurs oubliés, veut en venir avec cette pièce, mal accueillie à sa sortie en 1960. Alors je me suis appuyé sur les notes abondantes d'un Montherlant loquace en fin de livre. Certes, la mort rode, et la mort est toujours source de réflexion au théâtre. La relation entre le cardinal et son neveu laisse entrevoir des sentiments d'admiration et de frustration mêlés. Puis l'intervention de la reine, oscillant entre sagesse et folie, sonne comme une charge virulente contre l'obsession pour le pouvoir de Cisneros.

« Agir ! Toujours agir ! La maladie des actes. La bouffonnerie des actes. On laisse les actes à ceux qui ne sont capables de rien d'autre. » J'ai été particulièrement séduit par la langue De Montherlant. Mais plus que par le style, c'est le propos de l'auteur qui entre en résonnance. Cette pièce est prétexte à de nombreux aphorismes et maximes. Montherlant, dont l'attitude face aux évènements du XXème siècle reste ambiguë, esquisse une morale critique de l'action politique versus le refus de l'engagement – qu'il tient pour une autre forme d'engagement.

Il fut souvent reproché sa misogynie à l'auteur des « Jeunes Filles » (le livre le plus lu par Amélie Nothomb par ailleurs), dans cet ouvrage au contraire, le personnage le plus magistral est celui de la reine Jeanne dont l'apparition, inquiétante, poétique et polémique est le point d'orgue de la pièce. Celle qui réussit finalement – en renonçant au pouvoir - là où le Cardinal échoue – dans l'ascèse - lui donne une leçon magistrale.

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