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Critique de michfred


Difficile de parler du Conformiste de Moravia… après la superbe critique de... Moravia! Mais je devais aux deux Moravia, celui du livre et celui de Babelio, de les remercier pour cette lecture magnifique, étincelante et profonde!

Je n'avais pas eu le bonheur de lire le Conformiste - mais d'autres livres de Moravia, lus dans mon adolescence, avaient laissé leur trace dans ma mémoire "comme un rai de diamant sur une vitre"... et j'avais peur, moi aussi, de revenir à cet engouement ancien et de déchanter cruellement.

Je ne suis pas déçue du voyage!

Quel pur bonheur de lecture: une langue ciselée, aigüe comme un scalpel dans ses analyses, tour à tour sensuelle et détachée, qui sait parler de l'enfer de l'enfance et de l'éteignoir de l'âge adulte avec la même maestria, sans jamais se départir d'une élégance ironique et comme désenchantée...

Un livre construit comme une partition musicale- avec son prologue, son épilogue, et ses "motifs" lancinants : le meurtre et le sexe.

Du saccage des roses au meurtre politique, de l'anormalité effrayée à la normalité effrayante. De la pédophilie prédatrice au saphisme mondain d'une boîte parisienne. De Lino à Lina.

Ravage et Mélancolie : ce sont les deux mots que le père de Marcello, interné dans un asile psychiatrique, écrit indéfiniment et qui semblent contenir toute la problématique de son fils, le sombre héros de ce roman.

Marcello est beau, intelligent, cultivé. Il a un grand sens de la morale et de la probité. Il est philosophe de formation. Il est aussi rongé par une faute originelle qui est la scène fondatrice de toute sa vie, de tous ses choix, de tous ses actes. Pour étouffer sa propre violence, ses propres pulsions, pour ne pas sombrer dans la folie de son père, dans la déréliction de sa mère, il les canalise vers LA violence historique en place, celle qui est partagée par le plus grand nombre et dans laquelle la sienne va se fondre, se discipliner, se justifier : celle du fascisme. Il est fasciste par un immense et raisonné règlement de tous les sens.

L'ordre et la règle vont lui servir, littéralement, de garde-fou. Ravage et Mélancolie.

Deux fois pourtant, comme un héros sartrien, il croit pouvoir reprendre sa vie en main, en modifier impérialement le cours, faire de nouveaux choix.

Mais la première fois l'amour d'une femme va lui manquer : ironiquement, elle lui préférera sa sotte épouse, Giulia - tandis qu'une sombre Rolls Royce s'arrêtant auprès de lui va raviver l'ancienne panique de son anormalité, le rejetant, presque malgré lui, du côté des conformistes du moment.

Et la deuxième fois, brusquement délivré de l'ancienne malédiction, après une rencontre fulminante dans les jardins de la Villa Borghese, c'est le destin de l'Histoire qui, ironie du hasard, se charge de régler ce choix à sa façon… Destin et Ironie.

Ravage et Mélancolie.

Un pur chef d'oeuvre ! Je crois que je vais, méthodiquement, me remettre à lire tout Moravia…



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