La revendication de l’argent et de la notoriété pour chacun remplace insidieusement le droit à une vie digne pour tous.
Le refus de parvenir n’implique ni de manquer d’ambition ni de bouder la réussite. Juste de réaliser à quel point ces deux notions gagneraient à davantage de singularité : elles sont aujourd’hui normées par des codes sociaux qui n’ont que peu en commun avec les aspirations individuelle, ni d’ailleurs avec l’intérêt collectif.
L'acte isolé, même démultiplié, n'a aucune chance dans un système dominé par les oligopoles et les lobbies, qui l'ont bien compris : eux ont tout intérêt à prôner ces petits gestes qui donnent l'illusion d'agir pour le bien commun sans bousculer l'ordre établi ni établir de réseau trop maillé. Je crains ainsi que le clic pétitionnaire, l'indignation partagée sur les réseaux sociaux, et même le panier acheté à l'Amap, pour être louables et sincères, s'ils ne sont pas reliés et vertébrés par un projet, ne fassent partie d'un monde où l'avenir de l'écologie oscille entre capitalisme vert, restrictions individuelles et survivalisme.
À trop viser de grandes victoires futures on en oublie de saisir celles qui sont à portée de main.
Apprendre le pouvoir des mots et le plaisir de la lecture est sans doute le plus beau cadeau, la plus grande assurance de réconfort qu’on puisse offrir à un enfant.
Le véritable ennemi est celui qui sait, qui possède les leviers pour que ça change, peut choisir de les activer, et qui ne le fait pas. De manière délibérée.
Le refus de parvenir, c'est le dédain des distinctions sociales, c'est s’exonérer des démarches avilissantes, des promotions de tout ordre qui supposent un compromis avec soi-même et une compromission avec autrui.
Ma conviction est également que ce n'est pas au plus fort de l'urgence, dans n contexte de pénurie et de violence, que l'on organise des réseaux d'entraide, qu'on conceptualise un horizon de société, qu'on trouve un sursaut de dignité et qu'on se fixe des principes politiques.
Mais est-ce la sagesse que de se diriger vers un lieu où l'on sait qu'on ne retrouvera pas sa paix ?
"De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins" mériterait d'être un jour gravé à la pointe de l'Opinel dans le marbre gris des murs de Bercy.