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Critique de mumuboc


"Certaines fables demeurent, d'autres tombent dans l'oubli, toutes sont nées pour être racontées. Elles l'exigent ; les morts se changent en fables pour pouvoir continuer à vire. Leur éternité patiente derrière vos lèvres. (p368)"

Paris - Kentucky - de 1950 à nos jours - Il m'a fallu de l'attention et du temps pour découvrir ce deuxième ouvrage de C.E. Morgan que j'avais découverte avec Tous les vivants, un roman dont j'avais beaucoup aimé l'écriture, analysant et effleurant les personnages sans trop en dire, une douceur baignant l'ensemble du récit.

Dans celui-ci elle fait preuve de beaucoup d'ambition en voulant retracer sur plus de trois générations l'histoire non seulement d'une famille, les Forge, dont Henry et sa fille Henrietta sont les derniers représentants, partageant une même passion, celle des chevaux de course, Henry ayant transformé le domaine familial axé jusqu'à maintenant sur la culture du maïs en élevage de chevaux de race et de course après la mort de son père. Les Forge sont, comme beaucoup dans cet état du sud-est des Etats-Unis, profondément attachés à la suprématie de leur couleur de peau et donc profondément racistes et ségrégationnistes. Une autre lignée est auscultée : celle de Allmon  Shaughnessy, jeune groom (lad) métis, embauché par Henrietta pour prendre soin des pouliches et de leurs progénitures, lignée animale où la pureté de la race est recherchée afin d'atteindre l'excellence.

Mettant en parallèle les parcours de ces deux familles que tout oppose mais ayant en commun le soin et l'amour du cheval,  C.E. Morgan utilise la forme romanesque pour que les chemins se rejoignent, se croisent, se lient et s'affrontent dans un récit ambitieux pour finalement retracer l'histoire d'un pays, de ses différences raciales d'hier mais encore actuelles tant elles sont ancrées dans l'esprit de certains, avec une écriture et une construction, qui, comme je l'indique, vous plongent à la fois dans de l'admiration pour la richesse de la première et la maîtrise de la deuxième en y ajoutant un lyrisme qui fait rupture parfois avec la narration romanesque.

On a vite conscience de la dramaturgie qui va se jouer mais ce n'est qu'un prétexte pour explorer l'évolution des races, quelle soit humaine ou animale avec de nombreux rappels des théories de Darwin, chaque race évoluant (ou non) au fil du temps avec les cicatrices du passé et les événements qui peuvent surgir dans le présent et laisser en héritage non seulement une éducation, un vécu mais également transformer le devenir de chacun.

J'ai parfois trouvé des longueurs,  sans jamais avoir eu envie d'abandonner le récit mais en prenant mon temps car on ne peut comprendre une situation qu'en observant le passé, les racines étant prépondérantes dans le devenir, en y incluant des chemins de traverse, explorant à la fois la psychologie et le vécu de chaque génération, son héritage, dans une région ancrée dans ses certitudes sur sa suprématie et son pouvoir d'un côté et de l'autre sur l'impossibilité de sortir du destin qui s'accroche à vous mais, pour être tout à fait honnête, je m'y suis parfois perdue, l'auteure réussissant malgré tout à chaque fois à me "repêcher" et à me convaincre de reprendre le fil de l'histoire.

Je pense qu'il aurait peut-être mérité d'être éclairci, allégé mais il est à la fois un roman et une analyse de par la diversité des sujets traités : saga familiale, amour, ambiguïté des sentiments, mine d'informations sur le cheval et du monde des courses hippiques, histoire d'un pays gangrené par la supériorité d'une race où les exactions commises dans le passé trouvent encore un écho de nos jours et parfois un terrain propice à maintenir une distance haineuse infranchissable.

Chaque personnage laissera en moi une trace même si pour certains j'ai eu plus de mal m'y attacher par la multiplicité, les changements d'époque et les dispersions prises, l'auteure réussissant à tenir jusqu'au bout les rênes, à livrer peu à peu tout ce qui constitue chaque destin et leurs prolongements sur les générations suivantes avec un attachement particulier, pour ma part,  à Allmon et sa mère, famille déchue, victime à la fois de sa couleur de peau mais également une descente sociale due à un système social désavantageant les plus pauvres, C.E. Morgan n'écartant ainsi aucun des facteurs aggravant où l'on comprend qu'être noir et pauvre peut vous destiner à un avenir sombre et douloureux.

J'ai aimé mais il s'agit d'une lecture qui demande temps et concentration pour ne pas s'y perdre, pour en apprécier toutes les ramifications, en apprécier toute la richesse de l'écriture et l'analyse presque scientifique des espèces, qu'elles soient humaines ou animales et accepter le parti pris par C.E. Morgan de les confronter que ce soit sur le plan géographique, historique, environnemental mais également sociétal, éducatif, se laissant parfois emporter par une certaine forme de lyrisme.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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