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Critique de Kirzy


Kirzy
11 février 2022
Sacré roman ! A la fois ludique et intimiste, profond et inventif ... tellement surprenant que j'ai mis un peu de temps, désorientée, à y entrer vraiment, ne comprenant pas vraiment à quoi j'avais à faire ni à qui ... mais une fois bien ferrée, j'ai goûté ce festin aux notes surréalistes qui sait dire le monde.

Cela commence comme un récit simple et classique en mode vaudevillesque. Un écrivain à succès est en tournée promotionnelle à travers les Etats-Unis. Il sprinte nu dans les couloirs de son hôtel, pourchassé par le mari qui vient de le surprendre avec son épouse, conquête d'un soir. On rit et on continue à beaucoup rire lors de ses pérégrinations dans le pays flanqué d'une attachée presse caricaturalement new-yorkaise. L'humour est féroce et dézingue tout le barnum marketing à l'oeuvre pour vendre des livres. L'écrivain, en tant qu'Afro-américain, est quasi harcelé par des injonctions à avoir un point de vue sur les événements du moment, à savoir le meurtre d'un enfant noir tué par un policier blanc, alors que son roman semble complètement déraciné de cette question raciale. En fait, l'auteur ose quelque chose de fou : aborder la question du racisme par l'humour et la farce.

Dans cette ouverture tambour battant, quelques dissonances apparaissent. L'écrivain avoue qu'il aurait une maladie qui lui ferait confondre rêves et réalité au point de perdre complètement le Nord. Surtout, il y a des apparitions qui prennent la forme d'un ami imaginaire, un gamin noir.

L'étrangeté du récit croit à mesure qu'il avance, d'autant plus que se rajoute un autre personnage. Enchâssés dans le récit principal centré sur l'écrivain, des chapitres nous content l'histoire de Charbon, une enfant de Caroline du Nord ainsi surnommé à cause de sa couleur de peau d'un noir plus que profond. Il est harcelé, se replie sur lui-même en se réfugiant dans son imaginaire. Il veut ( et peut ? ) devenir invisible pour se sentir en sécurité dans ce monde de Blancs.

Les histoires de ces différentes personnages, l'écrivain, Gamin et Charbon, se construisent progressivement, convergent pour finir par brillamment fusionner. Il y a bien quelques sections un peu bavardes qui perdent un peu, mais la frénésie narrative de l'auteur est terriblement stimulante, surprenant le lecteur et finissant par le toucher profondément. C'est incroyable comme Jason Mott réinitialise les paramètres normaux de narration en créant un véritable tour de passe-passe méta-fictionnel.

L'Enfant qui voulait disparaître est une ingénieuse méditation sur le fait d'être noir aux Etats-Unis, explorant avec subtilité les thèmes rebattus de la violence raciste. Derrière le rire et les touches magiques, le roman est hanté par la mort, le chagrin et le deuil. Ce récit mortellement drôle et sérieux dressent un bouleversant bilan psychique du traumatisme racial en un portrait troublant de l'Amérique.

Lu dans le cadre de la Masse critique Fiction janvier 2022
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