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Critique de 5Arabella


Daté de 1940, le roman a été rédigé dans une époque troublée, celle de la seconde guerre mondiale, pendant laquelle la Hongrie s'est trouvée dans le camp fasciste, dirigée depuis les années vingt par Horthy, qui a instauré un pouvoir autoritaire et conservateur. Márai, qui a commencé à publier très jeune, avec un grand succès, a adopté pendant cette période, la posture de l'exil intérieur.

Dernier jour à Budapest prend toute sa signification dans ce contexte : dédié à un grand écrivain hongrois de la génération précédente, Gyula Krúdy mort en 1933, qui a connu la Hongrie d'avant l'époque terrible dont date le livre, le roman est autant un hommage à Krúdy, que le rappel nostalgique, mi-remémoré, mi-rêvé d'un monde qui n'existe plus et qui se pare des couleurs chatoyantes d'un passé mythique et idéal. le titre du livre résume très bien cette double thématique : le dernier jour de la vie de Krúdy, mais aussi le dernier jour d'une culture, d'art de vivre propre à Budapest, à la Hongrie.

Il s'agit donc de conter, ou plutôt d'inventer, le dernier jour de la vie de Krúdy. Un jour pendant lequel il va déambuler dans la ville, en parcourant les lieux qui lui sont chers, et en évoquant les souvenirs. Un lâche prétexte : Krúdy, en mal d'argent, comme il l'a toujours été, doit trouver une somme importante pour acheter une robe pour sa fille. Mais on ne se refait pas : il ne peut s'empêcher de festoyer, passer du temps avec ses amis, de jeter la somme péniblement gagnée par ses écrits par les fenêtres, de faire le grand seigneur. Dans ses déambulations, la ville de Budapest revit à l'époque de sa splendeur, les lieux, les gens de lettres et les habitudes littéraires passent, en vrai ou en souvenirs de Krúdy. Une façon de faire ses adieux, un manière de bilan aussi sans doute.

Mais au-delà, c'est aussi une sorte d'adieu fait par Márai à sa ville, à son pays. Parce qu'il ne trouve plus ce monde qu'il aimait dans la nouvelle réalité hongroise, et aussi, même s'il ne le sait pas encore, qu'il sera moins de dix ans après obligé de quitter physiquement cette ville et ce pays. L'exil intérieur sera suivi d'un exil réel et irrévocable. Cela donne un côté poignant à ce livre.

Je me suis lancée dans cette lecture parce que j'aime beaucoup les livres de Gyula Krúdy et que j'étais curieuse de voir ce que Márai pourrait faire de cette figure. Je trouve qu'il a parfaitement reconstruit l'ambiance des romans de Krúdy, son style, les errances de ses personnages, la nostalgie d'un monde en train de finir, le doux-amer des souvenirs plus réel que la réalité en train de se faire, le rôle central des mythes. C'est peut être un peu plus amer, et un peu moins lâche que la trame des romans de Krúdy, dont les fins sont souvent comme délavées, dissoutes.

Je ne sais pas comment ce livre peut être ressenti par des lecteurs qui ne connaîtraient pas du tout Krúdy et la littérature hongrois e, car il y a beaucoup de références aux auteurs et aux livres, mais pour ma part j'ai apprécié cette déambulation rêveuse et triste dans un monde en train de finir.
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