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Critique de RChris


Robert Muchembled est historien. Il a pourtant choisi l'essai pour traiter du thème de “La séduction, une passion française”.
Il s'en explique dans la première phrase : “Pourquoi écrire un essai sur la séduction à la française ? Parce que j'estime qu'elle constitue un élément moteur de l'identité nationale” et plus loin : “ J'aurai pu tenter de le montrer en utilisant la technique de l'historien, que je pratique depuis un demi-siècle. J'ai cependant pensé qu'un ouvrage bardé de références textuelles et de notes de bas de page ne rendrait pas justice à un thème aussi somptueux et risquerait d'ennuyer le lecteur en voulant trop exposer, pas à pas, son importance primordiale”.
L'auteur fait donc un pas de côté par rapport à l'histoire.
Il fait aussi un pas de côté quant au sujet car s'il existe de nombreuses histoires de la sexualité, l'auteur choisit de braquer son microscope sur la séduction, préalable à la sexualité.

Pourtant l'histoire n'est pas absente de cet ouvrage : “Car il s'agit toujours (pour moi) de puiser dans le passé de quoi interroger et comprendre le présent.”

Débutant son étude en 1515, l'auteur nous parle d'abord du monde rural, faisant montre de moultes expressions grivoises du XVIIème siècle : “le pain des pauvres”, “de l'andouille après souper” ou “mettre le diable en enfer”... mais ce siècle marque aussi un changement sous l'effet du christianisme : “Le prêtre s'installe en quelque sorte, au chevet du lit conjugal”.

L'essayiste s'affranchit-il trop des contraintes ? Il est parfois difficile de suivre les sautes de siècles, les retours en arrière et les anecdotes personnelles contemporaines, si bien que la partie historique “Le roi séducteur” m'a paru un peu foutraque et les références à la généalogie royale trop pointues.
Je retiendrai qu'à cette époque les rois donnaient l'impulsion séductrice, qu'Henri IV était “plus proche du satyre que du chevalier servant” et que Louis XIV s'est comporté “toute sa vie comme le suprême mâle alpha”.

Les analyses du chapitre suivant “La séduction capitale” sont complexes, donnant à la ville de Paris un rayonnement érotique.
Comme tout le livre, ses idées sont difficiles à synthétiser et je me contenterai de l'illustrer (cf. citations) et de vous donner le code des mouches posées sur le visage : ”Vers 1654, la séduction qu'elles irradient comprend sept variations : à l'exception de ‘“assassine”, ronde, nichée à divers endroits, notamment près du sein, les autres occupent une place fixe ; la “passionnée” au coin de l'oeil ; la “galante” au milieu de la joue ; la “baiseuse” à proximité de la bouche ; la “coquette” sur les lèvres ; la “receleuse” au dessus d'un bouton ; l'”effrontée” sur le nez “.
Ce chapitre est riche du regard décalé sur l'histoire de notre civilisation appréhendée par l'angle de la séduction.

Le dernier chapitre est inspiré par l'expérience personnelle de Robert Muchembled, le “je” de la séduction.
Il s'en explique : “J'ai imaginé de recourir à une sorte de “bio-histoire”, susceptible de démêler pour le public les deux faisceaux de fils dont la mystérieuse convergence produit un tel type d'ouvrage : le vécu personnel du rédacteur et le thème qu'il développe.”
Cette partie, celle de notre époque, est la plus facile à partager.
L'auteur montre notamment comment l'affirmation de la séduction féminine interroge la masculinité jusque là dominante.

Finalement, l'essai est assez pointu et sa généralisation délicate.
L'auteur tombe parfois dans ce qu'il voulait éviter : “En m'écartant de la forme historique trop corsetée, je ne jette nullement aux orties la quintessence de cette séduisante discipline, désirant simplement la faire partager davantage au delà des initiés…”
Il trouvera son public auprès des étudiants en histoire, sociologie, ethnographie, anthropologie…
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