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EAN : 9782251454009
340 pages
Les Belles Lettres (03/02/2023)
4/5   3 notes
Résumé :
En France, le jeu de séduction réciproque galant développé à la Cour dès le règne de François Ier définit l’homme comme séducteur, actif, au contraire de la femme séduisante, passive, créant lentement pour les privilégiés une illusion d’harmonie relative entre les sexes. Paris, reine du monde érotisée, produit en contrepoint les conditions nouvelles d’une séduction féminine capitale, longtemps diabolisée sous les traits de la femme fatale opposée à l’épouse chaste e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Robert Muchembled est historien. Il a pourtant choisi l'essai pour traiter du thème de “La séduction, une passion française”.
Il s'en explique dans la première phrase : “Pourquoi écrire un essai sur la séduction à la française ? Parce que j'estime qu'elle constitue un élément moteur de l'identité nationale” et plus loin : “ J'aurai pu tenter de le montrer en utilisant la technique de l'historien, que je pratique depuis un demi-siècle. J'ai cependant pensé qu'un ouvrage bardé de références textuelles et de notes de bas de page ne rendrait pas justice à un thème aussi somptueux et risquerait d'ennuyer le lecteur en voulant trop exposer, pas à pas, son importance primordiale”.
L'auteur fait donc un pas de côté par rapport à l'histoire.
Il fait aussi un pas de côté quant au sujet car s'il existe de nombreuses histoires de la sexualité, l'auteur choisit de braquer son microscope sur la séduction, préalable à la sexualité.

Pourtant l'histoire n'est pas absente de cet ouvrage : “Car il s'agit toujours (pour moi) de puiser dans le passé de quoi interroger et comprendre le présent.”

Débutant son étude en 1515, l'auteur nous parle d'abord du monde rural, faisant montre de moultes expressions grivoises du XVIIème siècle : “le pain des pauvres”, “de l'andouille après souper” ou “mettre le diable en enfer”... mais ce siècle marque aussi un changement sous l'effet du christianisme : “Le prêtre s'installe en quelque sorte, au chevet du lit conjugal”.

L'essayiste s'affranchit-il trop des contraintes ? Il est parfois difficile de suivre les sautes de siècles, les retours en arrière et les anecdotes personnelles contemporaines, si bien que la partie historique “Le roi séducteur” m'a paru un peu foutraque et les références à la généalogie royale trop pointues.
Je retiendrai qu'à cette époque les rois donnaient l'impulsion séductrice, qu'Henri IV était “plus proche du satyre que du chevalier servant” et que Louis XIV s'est comporté “toute sa vie comme le suprême mâle alpha”.

Les analyses du chapitre suivant “La séduction capitale” sont complexes, donnant à la ville de Paris un rayonnement érotique.
Comme tout le livre, ses idées sont difficiles à synthétiser et je me contenterai de l'illustrer (cf. citations) et de vous donner le code des mouches posées sur le visage : ”Vers 1654, la séduction qu'elles irradient comprend sept variations : à l'exception de ‘“assassine”, ronde, nichée à divers endroits, notamment près du sein, les autres occupent une place fixe ; la “passionnée” au coin de l'oeil ; la “galante” au milieu de la joue ; la “baiseuse” à proximité de la bouche ; la “coquette” sur les lèvres ; la “receleuse” au dessus d'un bouton ; l'”effrontée” sur le nez “.
Ce chapitre est riche du regard décalé sur l'histoire de notre civilisation appréhendée par l'angle de la séduction.

Le dernier chapitre est inspiré par l'expérience personnelle de Robert Muchembled, le “je” de la séduction.
Il s'en explique : “J'ai imaginé de recourir à une sorte de “bio-histoire”, susceptible de démêler pour le public les deux faisceaux de fils dont la mystérieuse convergence produit un tel type d'ouvrage : le vécu personnel du rédacteur et le thème qu'il développe.”
Cette partie, celle de notre époque, est la plus facile à partager.
L'auteur montre notamment comment l'affirmation de la séduction féminine interroge la masculinité jusque là dominante.

Finalement, l'essai est assez pointu et sa généralisation délicate.
L'auteur tombe parfois dans ce qu'il voulait éviter : “En m'écartant de la forme historique trop corsetée, je ne jette nullement aux orties la quintessence de cette séduisante discipline, désirant simplement la faire partager davantage au delà des initiés…”
Il trouvera son public auprès des étudiants en histoire, sociologie, ethnographie, anthropologie…
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Merci à Babelio et aux éditions Les Belles lettres pour l'envoi de ce livre, dense, riche et très documenté.

Pour être honnête, je m'attendais plutôt à un beau livre avec moult illustrations commentées par un historien : c'est ce que laissait présager pour moi la couverture. Mais c'est parce que j'ai choisi ce livre à distance ; en librairie l'erreur n'aurait pas été la même.
Il s'agit en fait d'un essai sur la séduction en France de la Renaissance à nos jours. L'auteur part de la séduction au village (les sujets ruraux sont sa spécialité, on le comprendra vite !), évoque ensuite la séduction à la Cour et chez les puissant, et finit son étude sociologique par la séduction féminine. Les 80 dernières pages sont dédiées à son parcours d'historien, qui permettent de mieux comprendre son analyse.

Le propos est agréable à lire : l'auteur ne manque pas d'humour, le style est dynamique… bref, on ne s'ennuie pas !

J'ai tout de même regretté que les quelques illustrations (on en aurait aimé beaucoup, beaucoup plus !!!) n'aient pas de renvoi depuis le texte. L'auteur assume l'absence de notes de bas de page (soit), mais dommage qu'il ne soit pas plus illustré (et pourquoi pas plus régulièrement dans le texte au lieu d'un seul cahier central ?) (surtout qu'il devait y avoir matière à illustrer…).

La partie finale sur son histoire est certes intéressante pour comprendre l'évolution dans l'étude de l'histoire et dans les carrières académiques dans la 2nde moitié du XXe siècle… mais je n'ai pas forcément vu l'apport pour le propos du livre. Il digresse parfois longuement sur la politique moderne, se livre à quelques jugements que j'ai trouvés péremptoires (Angela Merkel incompétente, …) et hors-sujets. de cette partie finale, je retiens une idée intéressante, un peu osée peut-être, mais innovante : la France, cette grande patrie séductrice par rapport à ses voisins occidentaux… où les chats sont en nombre dominant par rapport aux chiens, de caractère plutôt soumis… intéressant, pourquoi pas … ? A creuser.

Par contre, je m'interroge sur l'interprétation donnée à la fontaine de Versailles la Pyramide… Guide à Versailles, j'ai lu beaucoup de documentation, et à son sujet, je n'ai trouvé que des descriptifs parlant de tritons (en bas) et d'écrevisses (en haut), pour faire court… bien loin de la représentation des femmes dominées qui soutiendraient la Cour et les autres ordres… d'où vient cette interprétation ??

Pour conclure, c'est un ouvrage plaisant, argumenté, dynamique, qui se lit fort bien, mais à prendre avec recul et à vérifier… comme toute oeuvre scientifique ma foi !
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Quand un historien, universitaire de renom, s'empare d'un sujet aussi guilleret que celui de la séduction, on peut craindre un essai sociologique bourré de tableaux et de graphiques, orienté sur l'étude démographique avec une flopée de notes en bas de pages et de références érudites.
Divine surprise, ce n'est pas cela du tout, mais un récit ludique et enlevé qui fait parcourir l'histoire de France présentée sous l'angle du rapport entre hommes et femmes.
De la Renaissance où la séduction nait dans l'univers galant et libéré de la Cour raconté avec malice par Brantôme, au Grand Siècle où la personne du Roi conquérant des coeurs, s'impose en modèle, de la légèreté mutine du Siècle des lumières jusqu'à la folie débridée de la Belle Epoque et des années folles, Robert Muchembled analyse avec finesse et humour l'évolution des rapports entre les sexes, illustrant son propos des dictons maternels qui constituent un hommage appuyé à ses origines.
Pour parler de l'époque contemporaine, il n'hésite pas à se mettre en scène et à évoquer ses expériences personnelles et là, le récit devient absolument délicieux car il est émaillé de références cinématographiques , littéraires et culturelles qui parlent encore à chacun d'entre nous.
Ce livre mis à l'honneur par la Revue Historia devrait connaître un succès bien mérité et il est dommage que la Saint Valentin soit déjà passée car il aurait vraiment constitué le cadeau idéal à offrir à son amoureux(se).
Un mot encore pour la coquine illustration de couverture qui donne vraiment envie de garder cet ouvrage dans sa bibliothèque pour le lire, le relire et le faire partager à tous ceux qui nourrissent une curiosité légitime pour la vie quotidienne de ceux qui nous ont précédé.
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critiques presse (2)
LeFigaro
20 mars 2023
Une étude de la débauche à travers les textes des Anciens et des premiers chrétiens.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
RevueHistoria
03 mars 2023
La Renaissance invente une nouveauté masculine : l'art de séduire. Mais il faudra attendre longtemps pour que ces dames décrochent ce privilège.
Lire la critique sur le site : RevueHistoria
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
La grâce timide étant le charme de la jeunesse, une demoiselle bien élevée doit toujours se comporter avec réserve et délicatesse. Quand elle se hasarde à l'extérieur, avec des jeunes amies, il lui faut parler bas, éviter de se faire remarquer, et ne pas leur sauter au cou. Elle ne peut sortir seule sans compromettre son honneur, son bonheur et son avenir. Si cela lui arrive, ou si elle circule en compagnie d'une bonne, elle ne doit jamais se retourner pour regarder quelqu'un, ni permettre à un homme de lui adresser la parole. Au théâtre , elle ne peut pas braquer sa lorgnette sur un inconnu, ni regarder fixement ou effrontément n'importe où, et tout fou rire lui est interdit. Au bal, elle se contente d'être aimable, avec au plus un petit rire. Si un homme se déclare, elle doit le dire à sa mère, non pas à ses amies, comme le font les sottes vaniteuses. Dans tous les cas, il importe qu'elle se tienne bien droite, gracieusement, et qu'elle conserve un peu de délicieuse gaucherie. Mariée, encore jeune, elle ne peut sortir qu'en compagnie de son père, frère ou mari. Au bal, elle évite alors un décolleté outrageux. A pied, elle ne porte qu'une toilette très effacée. Car une femme n'a vraiment de charme que si elle cherche a passer inaperçue, tant par son apparence que par ses manieres. Le bon goût, et le souci de ne causer aucune gêne à autrui, veulent qu'elle bannisse les parfums, à l'exclusion d'"une une senteur unique et douce", celle de l'iris ou de la violette. Plein de respect et douceur pour les dames, un véritable gentleman, quant à lui, n'en aborde jamais une dans la rue.
Toute séduction est exclue de ce portrait très idéalisé des bourgeoises du temps. Les manuels de savoir-vivre convergent tous sur ce point, afin d'opposer le modéle de la chaste femme mariée a celui de la courtisane corruptrice. En 1878, Ermance Dufaux de La Jonchère le dit sans ambages : "Une femme bien élevée ne porte sur elle aucun parfum. Elle les abandonne à la femme de moeurs faciles, dont ils sont l'apanage exclusif." La comtesse de Gencé parle de "coquetterie désobligeante" si les demoiselles en usent (Code mondain de la jeune fille, 1909), et conseille aux femmes élégantes de le dissimuler à leur entourage (Le Cabinet de toilette d'une honnête femme, 1909). Les dames respectables sont conviées à oublier qu'elles possédent un corps et des sens. Le système bourgeois du savoir-Vivre qui s'impose au XIXème siècle les définit comme extrêmement fragiles, si bien que l'homme galant doit les protéger en permanence et leur éviter d'être blessées ou souillées par les réalités triviales.
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... le film de Roger Vadim, "Et Dieu créa la femme", transforme à 22 ans Brigitte Bardot en star mondiale. Cheveux au vent, nue, mais toujours artistiquement voilée par le réalisateur, afin de ne pas laisser apparaître la toison pubienne, l'image féminine projetée dans les salles rompt avec les conventions de la famille de haute bourgeoisie d'affaires de l'actrice, en affichant une sexualité adolescente très libérée, profondément choquante dans ce milieu. Car elle jette aux orties le tabou de la virginité et ne se préoccupe en rien des pressions morales exercées sur son genre. Pour la première fois, elle offre une usine à rêves à toutes les demoiselles de son âge, alors que les grandes artistes émancipées étaient plutôt imitées jusque-là par les dames adultes mariées. Sans doute fréquemment retenues de sauter le pas par peur de la grossesse, les jeunes filles adoptent son style rebelle, sa nonchalance, ses petites robes en vichy, ses expressions et intonations, sa queue-de-cheval conquérante, pour se décomplexer au temps de la rigueur puritaine gaullienne. Elles affichent une séduction féminine plus épanouie, contribuant au fiasco de Chanel, rentrée å Paris en 1954, lorsqu'elle tente de revenir à une silhouette « sans seins, sans taille, sans hanches» qui avait semblé libératrice vingt-cinq ans plus tôt. La tenue féminine bourgeoise a pris un coup de vieux, évoquant désormais un groupe social traditionaliste, attaché au célèbre tailleur diffusé par la couturière. Largement bridé par la résistance paternaliste, jusqu'en 1968, le désir d'indépendance gonfle secrètement, à la maniere des jupons de BB.
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Au XVIIIe siècle, l'influence de la capitale sur la civilisation ne cesse de grandir. On pense, bien sûr, en premier lieu aux idées des philosophes qui conduisent à la Révolution. Plus feutrée, la féminisation de la société urbaine joue également un rôle fondamental. Elle va bien au-delà des apparences frivoles, souvent associées (sur un ton sévère) à la galanterie de l'époque. Certes, la longue marche des femmes en vue de leur libération ne fait que commencer. Elle emprunte alors une voie étroite, sévèrement jugée par les moralistes pressés, quí érige la séduction féminine en principe actif de corrosion de la domination masculine. Pouvait-il en aller autrement dans un univers où les pouvoirs et les savoírs établis leur niaient toute possibilité d'indépendance et condamnaíent la plupart d'entre elles à une tutelle maritale infantilisante? Privées d'autonomie, n'ayant pas encore gagné le droit à une éducatíon identique à celle des hommes, même parmi les privilégiées, malgré les efforts des précieuses, elles commencent seulement à contrecarrer le principe de supériorité virile en obligeant les séducteurs impatients à prendre les formes et le temps de les conquérir, si elles le veulent bien. Le siècle enregistre un évident glissement vers le plaisir parmi les élites dominantes. La société de Cour en donne l'exemple. Imitant un roi peu empressé à chevaucher à la tête de ses armées, nombre d'aristocrates recherchent moins que par le passé la gloire des champs de bataille, préférant s'amollir dans les délices de Capoue d'une existence raffinée. A l'époque de la guerre en dentelles, la preuve de virilité migre des victoires militaires aux prouesses amoureuses. A Paris, triomphe un art de vivre trés délicat, dont les créatíons, telle la porcelaine de Sèvres, évoquent souvent ou mettent en valeur la beauté gracieuse du corps féminin. L'univers des gens de qualité est saturé d'un érotisme doux, tout comme les peintures de François Boucher ou de Jean-Honoré Fragonard. La féminisation croissante du monde des nantis et d'une probable fraction des couches moyennes bourgeoises s'appuie également sur des changements de sensibilité collective. Les grands romans, "Manon Lescaut" , de l'abbé Prévost en 1731, "La Nouvelle Héloïse" , de Jean-Jacques Rousseau en 1761, "Paul et Virginie" , de Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre en 1788, se mettent à exalter la passion pour elle-même, y compris si elle se révèle fatale ou peu vertueuse.
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Video de Robert Muchembled (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Robert Muchembled
Robert Muchembled, professeur honoraire des universités de Paris, nous présente son nouvel ouvrage, "La séduction. Une passion française", en librairie le 3 février 2023.
Utilisant des productions marquantes – oeuvres littéraires, films, bandes dessinées –, pour repérer les théories et les pratiques, Robert Muchembled convie lectrices/lecteurs à une délectable plongée dans le passé, à la découverte des extraordinaires métamorphoses de la séduction amoureuse : une grande passion française constitutive de l'identité nationale, engagée depuis les années 1970 dans une nouvelle mutation décisive sous le souffle des aspirations libératrices de la féminité.
+ Lire la suite
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