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Critique de Presence


Ce tome est le premier d'une nouvelle série débutée en 2014, en 11 épisodes. Il comprend les épisodes 1 à 5, écrits par W. Haden Blackman, dessinés, encrés et mis en couleurs par Michael del Mundo (avec l'aide de Marco d'Alfonso pour les couleurs). L'histoire se termine avec le tome suivant. Il vaut mieux connaître la relation d'Elektra avec Daredevil, et avoir lu "Elektra assassin" de Frank Miller et Bill Sienkiewicz, pour pouvoir saisir les références contenues dans le récit.

En manque d'occupation et d'employeur, Elektra retourne à son métier : assassin. Elle se rend à la Guilde des Assassins, pour décrocher une mission auprès d'une responsable se faisant appeler Matchmaker. Cette dernière lui propose une mission particulière. Une première récompense a été promise à qui serait capable de retrouver et d'assassiner Cape Crow (un ancien assassin à la retraite). Une deuxième récompense a été déposée depuis pour qui pourra retrouver ce même Cape Crow et le ramener vivant.

Elektra accepte ce deuxième contrat, en ayant parfaitement conscience qu'elle devra du coup prendre de vitesse ceux souhaitant accomplir le premier contrat, ou se battre contre eux. Parmi eux se trouvent Scalphunter (John Greycrow, un cyborg) et Lady Bullseye.

Dans la continuité du personnage d'Elektra, ces épisodes se déroulent après son passage chez les Thunderbolts. En fait cette histoire n'en fait aucune mention. Par contre, il devient vite apparent que W. Haden Blackman souhaite s'inscrire dans la continuité de "Elektra assassin". La couverture indique également que Michael del Mundo souhaite dépasser la simple représentation figurative. Il compose une image très saisissantes avec cet aigle se reflétant dans les sais d'Elektra.

Toutefois le lecteur de comics sait que les couvertures reflètent rarement la qualité graphique des pages intérieures. Contre toute attente, le rendu est le même à l'intérieur, participant autant d'une forme de représentation, et d'une touche d'abstraction. Michael del Mundo effectue un travail très impressionnant sur les couleurs, avec l'aide Marco d'Alfonso. Les couleurs donnent de la texture aux formes, habillent les arrières plans au point de leur donner des formes (dépassant le stade du joli camaïeu qui fait remplissage), définissent une ambiance, transcrivent la matière des étoffes, ou des décors.

Outre cet usage sophistiqué de la couleur, le lecteur constate également une approche conceptuelle du découpage de la page. En fonction des séquences, del Mundo adapte le nombre de cases à ce qui doit être montré, mais aussi leur agencement. Ainsi les pages 2 et 3 forment une unique image montrant Elektra dessinée à plusieurs reprises en train de danser, alors que chaque mouvement s'accompagne d'un souvenir différent représenté plus haut, la couleur assurant à nouveau une parfaite intégration des images dans cette savante composition.

Tout au long de ces 5 épisodes, le lecteur pourra apprécier l'intelligence avec laquelle Mike del Mundo compose ses pages pour une narration des plus fluides, où la perméabilité des frontières entre les cases accentuent la relation entre ces différents moments. Si cet artiste joue également avec les bordures de cases (l'eau rendant ces bordures plus malléables), il ne singe pas le travail de JH Williams III. Il utilise ce procédé dans une logique différente. En outre, del Mundo maîtrise ces techniques et les met au service du récit, sans tomber l'excès qui aurait pour effet de détourner l'attention du lecteur du récit, au profit des capacités techniques de l'artiste. Alors même que le dernier épisode se déroule sur la banquise de l'océan arctique, le lecteur n'a pas l'impression que del Mundo en profite pour s'économiser sur les décors, car les camaïeux de blanc rendent compte des mouvements des personnages, des fluctuations d'ascendant de l'un sur l'autre.

De la même manière que le lecteur ressent la filiation artistique entre Bill Sienkiewicz et Mike del Mundo (de l'ordre de l'hommage et de la volonté de sortir des images industrielles et fonctionnelles des comics), il se rend compte que W. Haden Blackman souhaite lui aussi évoquer Frank Miller. Cette évocation prend la forme du rappel des événements principaux de la vie d'Elektra Natchios établis par Miller. Par contre la narration ne copie pas celle de Miller, l'intrigue non plus.

Dans une interview, Blackman explicite le fait que cette première histoire a pour objectif de montrer le nouvel environnement d'Elektra, en particulier les personnages. le lecteur a quand même la satisfaction de lire une histoire complète, avec une fin satisfaisante ne l'obligeant pas à revenir pour la suite, en cas de défection de l'artiste. Afin de préserver un semblant d'ambiguïté morale, Blackman fait s'écharper des assassins entre eux. Il réussit à vite trouver la voix d'Elektra, assassin de métier sans scrupule. Il lui fait affronter Bloody Lips, un assassin cannibale assimilant les souvenirs de ses victimes en mangeant leur chair. Il varie les endroits du pôle Nord à l'île aux monstres (monster island).

L'intrigue est assez habile puisqu'elle fonctionne sur la base d'une course-poursuite, intégrant plusieurs chasses à l'homme, des combats (rendus très impressionnants par Michael del Mundo), une relation père / fils complexe, et des aperçus de la psyché d'Elektra ressortant d'autant mieux grâce à un effet miroir avec celle de Bloody Lips.

La narration de W. Haden Blackman est loin d'avoir l'intensité viscérale de celle de Frank Miller, mais elle est assez inventive pour sortir des poncifs éculés des histoires de superhéros. Grâce à la narration visuelle de del Mundo, cette histoire de contrat sur un assassin retiré prend une dimension fantasmagorique primale, à la séduction irrésistible.
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