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Critique de Syl


De la famille Morlevent, il ne reste que les trois enfants, Siméon quatorze ans, Morgane huit ans et Venise cinq ans. Orphelins, sans famille, sans tuteurs, ils ont peur d'être séparés. Juste avant l'arrivée de l'assistante sociale, ils se jurent de rester toujours ensemble… « Les Morlevent ou la mort ». Poings unis, coeurs fusionnés, leur détermination peut surmonter toutes les fatalités.

En attendant de trouver un parent ou des familles d'accueil, la juge des tutelles les envoie dans un foyer, le foyer de la Folie-Méricourt, un lieu pas très adapté à la fratrie et qui ne reçoit que des garçons. Exceptionnellement, le directeur du centre accepte les deux soeurs et les loge dans un réduit. C'est dans ce cadre très peu chaleureux, qu'ils apprendront la véritable cause du décès de leur mère. Désespérée, elle se serait suicidée en absorbant du « canard vécé ».
La cohabitation avec les autres pensionnaires est difficile. Siméon, élève en terminale S, est un enfant surdoué qui doit passer le BAC à la fin de son année scolaire. Sa maturité, ses études, ses livres, son regard sur l'extérieur, font de lui un être peu ordinaire qui dérange. Chahuté, bousculé, il gère avec beaucoup de courage son quotidien sans en référer à ses soeurs ou à l'assistance sociale.

Morlevent… Mord la vie… rien ne les désole lorsqu'ils sont réunis.

Après des recherches sur leur patronyme, la juge découvre deux personnes susceptibles de leur être apparentées ; Barthélémy Morlevent et Josiane Morlevent.
Le jeune homme de vingt-six ans serait leur demi-frère aîné. Enfant non reconnu d'une première union, il n'a jamais vu son père et lui voue une profonde animosité. Bel homme, on lui trouve une ressemblance frappante avec Venise qui ressemble à une petite fée. Gracieuse, des yeux couleur pervenche, blonde, très câline, elle est la petite fille rêvée ! Barthélemy, Bart, travaille pour son amant Léo dans un magasin d'antiquité. Parfait gigolo, il ne prend que le côté léger de la vie et s'en amuse… oh, boy ! et il ne s'en prive pas !
Josiane, trente-sept ans, est ophtalmologue. Elle n'a des Morlevent que le nom. Adoptée par le père lorsque sa mère était sa compagne, elle aussi a beaucoup souffert de son départ. Si Bart est l'insouciance incarnée, Josiane est la pondération et la maîtrise personnifiées. Mariée, sans enfant, elle présente un air hautain qui refroidit ses interlocuteurs.
Tous deux se connaissent et s'insupportent. L'exubérance contre la retenue…

Entre deux carrés de chocolat noir croqués avidement (ça calme les nerfs), Laurence Deschamps, Madame la juge, leur soumet la tutelle.
« … Laurence Deschamps, était une jolie femme énergique et un peu boulotte qui carburait au chocolat noir. du Nestlé 52% de cacao, amer et doux, fondant et râpeux, qu'elle cachait dans le tiroir de son bureau. Devant l'aridité du dossier Morlevent, Mme la juge décida de s'offrir deux carrés bien noirs, bien durs. Mordant à même la plaque, elle y imprima la trace de sa robuste denture… ».
Si Siméon garde ses distances pour analyser objectivement la situation, Venise distribue des coeurs dessinés et des bisous. Petite chatte, elle séduit d'un regard sa nouvelle parentèle.
« - Monsieur Morlevent, le prévint la juge assez solennellement, vous êtes en présence de votre demi-frère et de vos deux demi-soeurs, Siméon, Morgane et Venise Morlevent.
- de mon… de mes…, suffoqua Bathélémy.
Venise s'était enfin plantée devant lui, son dessin à la main.
- Je t'ai fait une maison, lui expliqua-t-elle. C'est celle où on va habiter avec toi. Là, c'est mon lit en hauteur et, là, c'est le congélateur.
Barthélémy se baissa pour mieux entendre les commentaires de la petite. A chaque nouvelle précision, il faisait : « Oh, boy ! » l'air effaré.
- Je t'ai dessiné trois coeurs avec ton nom parce que je t'aime un peu, beaucoup, à la folie.
Ils se regardèrent, presque nez à nez, et Venise posa la question fondamentale, celle qui permet d'opérer un premier tri entre les méchants et les gentils.
- Tu aimes les bisous ? »

Entre la tutelle et la garde, un gouffre. Alternance, petits bouts d'essais, Josiane et Bart se partagent la charge pour commencer ; Venise, sa collection de Barbies et ses feutres, Morgane et Siméon avec leurs livres. Cependant, il n'est point besoin d'être un devin pour se projeter dans l'avenir. Siméon a bien conscience que Josiane souhaiterait ne s'occuper que de Venise et que Bart n'a pas la carrure pour les garder tous les trois. Petit à petit la peur et le découragement le ronge… la jalousie aussi… Venise a trouvé son prince charmant-roi mage dans la personne de Bart…
« Venise l'agaçait. Pourquoi Barthélémy avait-il droit à trois coeurs et lui à deux ? Siméon en devenait mesquin. Ce matin-là, il y avait même cinq beaux coeurs roseBarbie pour Bathélémy. Siméon eut un mauvais sourire. Il posa le doigt sur le premier coeur et dit :
- Je t'aime.
Il continua avec les autres coeurs en énumérant :
- Un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout.
- Je m'ai trompé ! s'écria Venise en masquant le dernier coeur de sa petite main.
- Trop tard, ricana Siméon.
Venise disparut puis reparut quelques minutes plus tard, un autre dessin à la main.
- Ca c'est pour toi, Va en enfer !
Siméon, sourit tristement, en voyant un drôle de petit bonhomme cornu qui tenait une fourche. Puis le sel des larmes lui brûla les yeux. Ce soir-là, Siméon dormit avec le diable sous son oreiller. »
Lorsque sous la colère sa petite soeur l'expédie en enfer, Siméon n'imagine pas que le voyage sera pour bientôt. Bart trouve que son frère est souvent fatigué et découvre des taches rouges sur ses bras, le genre de taches qui méritent un examen médical approfondi ; prise de sang, ponction sternale…
« Les Morlevent ou la mort », « Courage et volonté » les maximes qui les stimulent habituellement, sont dans ce cas-là plus que nécessaires car la conjoncture fait éclater la fratrie. Venise est confiée à Josiane, Siméon aux bons soins du Professeur Mauvoisin, sous la vigilance d'un Bart halluciné, et Morgane… petite Morgane aux oreilles décollées, trop brune, trop quelconque, trop sage, trop grande, pour charmer Josiane… reste toute seule dans le cagibi du foyer.

« Pow-wow »… cri de ralliement des enfants Morlevent pour une réunion importante. Il ne faut pas partir vaincus. La famille restera unie, elle s'enrichira…

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Oh, boy ! je n'ai pu faire plus concis ! C'est que je vous parlerais de ce livre toute une soirée, toute une nuit et je vous lirais des passages, de la première page à la dernière. J'espère que vous lirez ce livre un jour. La famille Morelevent est irrésistible. Comme Venise, je leur accorderais tous mes coeurs en gommant le « un peu » et le « pas du tout » de la marguerite qu'on effeuille.
L'histoire commence comme celle des orphelins Baudelaire de Lemony Snicket ; trois enfants et des désastreuses aventures… le méchant de l'histoire est une leucémie. Les personnages qui les entourent, abordent des thèmes délicats. Un père bohème qui fuit sa réalité, ses femmes et ses enfants, il disparaît pour ne plus revenir. Une mère trop fragile qui préfère abandonner la vie. Une famille disloquée. Une voisine battue par son mari. Un frère homosexuel. Une solitude compensée par le travail et le chocolat. Un désir de maternité qui ne sera jamais assouvi. L'hôpital, univers impitoyable et formidable…
On pourrait croire que c'est pathétique à pleurer, et pourtant ce n'est pas le cas. Bart et Venise sont des soleils, elle une petite princesse, lui un vrai prince. Ils animent l'écriture de leurs réparties, de leur candeur, de leur générosité. Ca ne paraît jamais théâtral, c'est toujours doux et enchanteur. L'auteur que je découvre dans ce roman, a la plume heureusement belle. Elle lie à des sujets tragiques, une bonne dose d'humour et d'amour. Parfois le drame fait grandir et embellit les personnages.

Un livre à conseiller plus que tout… Les Morlevent et la vie.
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