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Critique de kielosa



"Chère Bessa, ... Je viens de finir la lecture de votre manuscrit. Je l'ai adoré. le terme est stupidement galvaudé mais vous avez vraiment un extraordinaire talent de conteuse." Ces belles paroles ne sont pas de moi, mais de ma grande compatriote Amėlie Nothomb, qui a écrit la préface sous forme de lettre à l'auteure.

Bessa Myftiu a dédicassé elle son ouvrage à Laure Mi Hyun Croset, née en 1973 à Séoul en Corée du Sud, vivant aujourd'hui en Suisse et écrivant en Français. Elle est l'auteure d'entre autres "Les velléitaires", édité en Belgique en 2010. Ce qui m'a légèrement étonné, puisque la dernière a 12 ans de moins que notre écrivaine albanaise, née en 1961 à Tirana.

Dans sa lettre, notre célèbre écrivaine belge note aussi : "Cent passages seraient à citer." Et elle a absolument raison, car à peine 5 pages plus loin l'on peut lire "... chez nous on ne tue pas les morts. On les côtoie."

Personnellement, je trouve la capacité, le talent, ou devrais-je dire l'art de Bessa Myftiu, de recréer tout un passé par des simples petites phrases par-ci par-là tout à fait exceptionnel. Pas d'exposés sur la situation déplorable pour la population albanaise durant les 43 ans et demi de règne du staliniste-maoïste Enver Hoxha. Non, juste une petite remarque, en passant, sur le beurre rationné ou le pain blanc introuvable par exemple.

Une exception carrément politique constitue la phrase suivante : "Si l'Autriche de l'empereur Joseph II avait produit un seul enfant précoce en musique - Mozart - l'Albanie socialiste avait fabriqué toute une génération de précoces en politique". Cette citation illustré à merveille le style même de cette artiste, fait d'ironie et d'humour parfois caustique et cynique.

Je ne voudrais cependant nullement donner une impression erronée qu'il s'agit d'une oeuvre politique. "Confessions des lieux disparus" est avant tout le retour nostalgique et poétique d'une auteure sur son enfance et adolescence, en dépit d'un régime horrible.

L'auteure, 12 ans, sent "ce chatouillement au-dessus de l'estomac" pour son petit amoureux, Edmond, qu'elle trouve "i bukur" ou beau et qui lui fait penser à son homologue littéraire, Edmond Dantès, le comte de Monte Christo d'Alexandre Dumas.
À Émile, un autre beau garçonnet qui veut la revoir après l'avoir accompagné sur le chemin de l'école, notre gamine répond : "Il y a des années-lumière entre un bout de chemin ensemble et un rendez-vous". Puis, Bessa ajoute : " Cela l'a impressionné".

Il est vrai que notre petite héroïne est déçue d'avoir perdu son tout premier béguin, Beni, dont le père a monté un échelon dans la hiérarchie communiste, ce qui a impliqué un déménagement vers la capitale. Et la petite le jour de son départ : "Un camion emmenait au loin toute ma joie, l'élan de ma vie et la force de me battre. Il m'avait arraché mon enfance pour l'emporter dans le pays des souvenirs, d'où l'on ne revient jamais".

Mais notre charmante gamine a heureusement une imagination richissime et à ses copines à l'école elle raconte des rêves fantastiques "Je leur en concocte pleins de suspens et de couleurs. Impatiemment, elles attendent chaque jour que je continue... Je suis la seule dont les rêves constituent des films en série".

Se rappelant cette période, l'auteure ne peut naturellement pas éviter une certaine mélancolie. Elle commence un chapitre par ses mots : "La rue était déserte. Peuplée de fantômes et de mémoires post mortem, elle ne contenait plus rien d'autre qu'un hurlement muet. Les fenêtres des maisons ressemblaient à des yeux aveugles, percés par l'amertume."

Dans les presque 600 critiques que j'ai rédigés pour mes amies et amis sur Babelio, jamais je n'ai inséré autant de citations dans mon texte. Mais rassurez-vous il en reste encore à foison.

Comme notre illustre écrivaine belge, j'ai "adoré" cette oeuvre de Bessa Myftiu et je ne peux que recommander cette perle à toutes celles et tous ceux qui aiment un style et une langue richement poétique et de haute qualité littéraire.
Comme ils diraient à Tirana : "I bukur" ! C'est beau !
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