AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de gruz


gruz
09 février 2023
Niklas Natt och Dag a écrit ce qui restera longtemps comme une trilogie majeure du roman noir historique, une aventure suédoise inoubliable entre ombres (beaucoup) et lumière (un peu), à l'image du patronyme de son créateur. 1795 vient clore ce triptyque à la manière des deux premiers volets, fort surprenante.

Ce qui avait débuté comme un polar historique avec 1793, a mué peu à peu en une grande aventure humaine et sociétale.

L'auteur semble aimer les défis. Les deux premiers tomes se terminaient à chaque fois de façon si terrible que c'était une gageure de continuer le récit, tant les implications semblaient définitives. Et pourtant, le challenge est non seulement relevé avec brio et audace, mais 1795 trouve un nouvel élan, différent encore.

Cela faisait deux ans que j'étais hanté par le final de 1794. Que j'y pensais régulièrement, malgré les nombreuses lectures suivantes. Ça ne m'était presque jamais arrivé, après des décennies de lectures. Un aboutissement d'une noirceur absolue qui ne pouvait s'effacer de ma mémoire.

C'est une nouvelle pièce en 4 actes qui est proposée, le premier presque à l'aveugle avant que ne surgisse la lumière des ténèbres. Paradoxal, mais c'est bien le résumé de ce dernier tome, quelques minuscules lueurs dans une noirceur abyssale, qui proviennent de l'humanité de certains personnages.

Le lecteur vit viscéralement cette virée vers le passé, vibrant à chaque page, plongé dans la fange. La Suède est dans le caniveau, la misère devient endémique. le pays est à genou, presque à terre. La politique tue le peuple.

Stockholm, la ville entre les ponts, devient un enfer. La quatrième de couverture parle de Pandémonium, le terme n'est effectivement pas excessif. le cours de la vie s'écoule de manière délétère, sans rime ni raison.

Vous ne lisez pas un livre, vous êtes à Stockholm, vous ressentez les conditions de vie de l'époque, froid, odeurs, manques, ivresse… Les descriptions sont incroyablement parlantes, générant des images mentales criantes de vérité, au plus près des conditions de vie des démunis. Un livre qui fait marcher les cinq sens.

C'est dans ce contexte que les grands riches se voient freinés dans leurs excès par une Ordonnance contre le luxe. Mais quand l'ennui pointe trop le bout de son nez, ces gens-là tombent dans l'intempérance.

Ce troisième tome est une histoire de quêtes. Celles d'un duo d'enquêteurs devenus digne des plus connus de la littérature. Jean Michael Cardell et Emil Winge, plombés par la culpabilité, recherchent Anna. Et aussi le grand méchant de l'histoire, Tycho Ceton, qu'on avait pourtant imaginé fini.

Ce 1795 sera à nouveau l'occasion de scènes ahurissantes. Il m'en faut beaucoup pour être secoué par un passage, mais certains d'entre-eux m'ont fait ouvrir d'immenses yeux stupéfaits, sidérés, éberlués. Niklas Natt och Dag ose tout et fait preuve d'une imagination morbide effrayante. Mais rien n'est jamais gratuit, tout est un élément d'un Grand Tout. Sa Grande oeuvre.

Jusqu'à un final qui, à l'image de toute cette création, ne s'avère pas du tout ce qu'on pourrait imaginer.

L'écrivain fait preuve d'une exigence de tous les instants, tout est minutieusement réfléchi, travaillé, documenté. On y apprend des choses incroyables sur l'époque, sans que jamais cela ne tombe dans le démonstratif.

Une virée magnifiée par cette écriture à la fois minutieuse et lyrique, qui demande un vrai engagement du lecteur pour bien en profiter. A lire lentement pour s'immerger totalement. Saluons une fois encore la traduction très soignée de Rémi Cassaigne.

1795 clôt une trilogie unique, une immense oeuvre noire comme aucune autre, magnifique dans son horreur, terriblement humaine dans ses outrances. Inoubliable par ses personnages meurtris par la vie mais qui sont d'une beauté sans nom, et qui resteront présents à jamais en mémoire. Niklas Natt och Dag est un génie de la littérature, il n'y a pas d'autre mot.
Lien : https://gruznamur.com/2023/0..
Commenter  J’apprécie          374



Ont apprécié cette critique (35)voir plus




{* *}