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Critique de gabb


Une question, une seule :
- POURQUOI EST-IL AUSSI MECHANT ?
Et bien sûr la réponse, dans la foulée :
- PARCE QUEEUUUUU !!!
Un peu léger comme explication, mais pardon c'est la seule qui me vient...

En 2005, quand parait ce petit livre d'entretiens, Eric Naulleau n'est pas encore passé par la case "Ruquier" ni par les ondes de "Paris Première", mais sa plume est déjà diablement aiguisée et ses talents de démolisseur sont déjà manifestes.
Dans le présent réquisitoire, il donne la réplique à deux intervieweurs et tire à vue - et à boulets rouges ! - sur diverses cibles choisies dans le milieu de l'édition, de la presse et plus largement d'une littérature française moribonde (d'après lui). Son punching ball préféré ? Michel Houellbecq évidemment, "l'écrivain de la grande misère, sexuelle, spirituelle, émotionnelle, intellectuelle", lui dont "le triomphe actuel vaut signe que le pire est toujours certain", lui dont les livres "à faible teneur en littérature" ne seraient que de pauvres "mélanges d'apparente modernité et de roman de gare", "des baudruches enflées par l'air du temps (même principe que la cornemuse en moins mélodieux cependant)", etc...
Servez-vous, c'est cadeau !

Si vous tenez Michel en grande estime, inutile de vous frotter à cette longue diatribe vitriollée.
Si vous êtes plutôt team-Naulleau, si vous appréciez son ton libre et caustique, jetez vous sur la dite diatribe et glorifiez votre champion.
N'appartenant ni à l'une ni à l'autre de ces deux catégories, j'ai attaqué ce petit bouquin sans grande passion, comme on assite de loin, un peu curieux, à un match de boxe (complètement déséquilibré en l'occurrence, puisque l'un des deux combattants n'a ici même pas voix au chapitre), mais en me laissant lentement prendre au jeu et en saluant, parfois, les plus fulgurants uppercuts ou les plus beaux crochets du gauche.
Dommage que le sac de frappe ne puisse pas répondre.

Bon, pour la forme je pense que vous voyez le truc, c'est règlement de compte à OK Corral ! Ca tire à tout va et dans le feu de l'action, Naulleau arrose aussi quelques confrères, ainsi que Franz-Olivier Giesbert, Philippe Sollers, Christine Angot ou Camille Laurens, tous abondants producteurs de "bouillie textuelle" (les intéressé(e)s apprécieront), sans oublier tous ces journalistes analphabètes qui "viennent grossir les rangs de la joyeuse sarabande critique suivant Michel Houellbecq à la trace, comme hypnotisée par les mélodies aigrelettes que l'auteur tire à intervalles irréguliers de son pipeau".
Ça, c'est fait.

Pour le fond, même si certaines attaques m'ont semblées un peu gratuites, d'autres sont au contraires très justes. Je pense à ces pages où notre piquant chroniqueur tourne en dérision la grande foire annuelle des prix littéraires, ou encore ces nombreux people qui s'improvisent écrivains et qui encombrent toujours plus d'espace en devanture des librairies avec leurs "livres-témoignages" et leurs "biographies-confessions". Pourquoi diable "éprouvent-ils chaque année l'irrésistible envie de trompeter la grande nouvelle qu'ils viennent de découvrir un repli jusqu'alors ignoré de leur nombril" ?
Je me pose aussi la question.
Au rayon des réflexions pertinentes, j'ai relevé en outre cette attaque en règle à l'encontre des "concentrations verticales" dans le monde de l'édition : celles qui permettent à une seule entité de contrôler la société qui produit le livre, la structure qui en assure la diffusion et la distribution, le journal en charge de sa promotion et la librairie qui en fera sa tête de gondole... Eric Naulleau lève le voile avec beaucoup de justesse sur un milieu lui aussi soumis - évidemment - aux lois du marché et au diktat de la rentabilité commerciale.

On s'éloigne un peu de Houellbecq ? Pensez-vous ! Naulleau n'a fait diversion quelques temps que pour mieux revenir à la charge !
Non content de nous répéter à l'envi combien sa tête de turc favorite a précipité la dégringolade de notre belle littérature nationale, il réduit finalement le futur lauréat du prix Goncourt (j'aurais payé cher pour voir la tête de Naulleau en 2010 !) à un insignifiant phénomène de pur marketing.
Il met notamment en lumière avec une certaine drôlerie tout le ridicule de l'opération de promotion qui a accompagné la sortie de La possibilité d'une île, roman qui "commença à défrayer la chronique avant même d'avoir été écrit" et qui fut l'objet d'un tapage médiatique sans précédent.
Sur ce dernier point, 15 ans plus tard et après et le récent barouf autour de Sérotonine, je ne peux que lui donner raison.

Il n'empêche que j'ai quand même fini par me sentir un peu con, moi qui ose à peine vous avouer que j'ai bien aimé La carte et le territoire, et que je n'ai pas trouvé La possibilité d'une île complètement inintéressant...
Faut-il être bête, hein ?


On me fait signe qu'il est temps de rendre l'antenne.
En résumé : des vérités mordantes sur le prétendu appauvrissement de la littérature, assénées avec autant de verve que d'acidité par un Eric Naulleau plus énervé que jamais, et stylistiquement toujours très affûté !
A vous les studios.
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