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Critique de bgbg


Roman lu bien tardivement, puisqu'il est paru en 1980, écrit par un auteur oublié, qui a néanmoins eu le Goncourt la même année pour cet ouvrage. Prolifique, Yves Navarre, a beaucoup écrit sur la sexualité et l'homosexualité : romans, pièces de théâtre, surtout. Mais incompris, insatisfait, déprimé, il s'est suicidé en 1994, à 54 ans.

Le roman s'étire sur une journée, le 9 juillet, date anniversaire des quarante ans de Bertrand, le dernier des enfants d'Henri Prouillan, et de Cécile, son épouse, décédée. Henri Prouillan est un ancien ministre de De Gaulle, en place pendant un an et demie, un homme sec, autoritaire, absent, sévère et tyrannique.
Bertrand n'est pas là, il est dans le Sud-Ouest toulousain, à Moncrabeau, résidence d'été des Prouillan. Mal remis d'une opération sur le cerveau, une lobotomie, décidée par son père vingt ans auparavant, en 1960, pour inverser son homosexualité et dans l'objectif pour Henri Prouillan de devenir ministre sans trainer cette “infamie“, Bertrand y passe des moments chaotiques, sans dire un mot, sans ressentir d'émotions apparentes, pantin désarticulé qu'il faut aider, accompagner, pour ne pas qu'il fugue ou détruise ses effets, ce qu'il fait tout de même, malgré la surveillance serrée d'une famille d'Espagnols républicains (étalée sur trois générations), gardiens du domaine.

La famille Prouillan rassemblée en 1960 quand Bertrand revient de Barcelone après son opération, est éclatée vingt ans plus tard. Chacun vit sa vie. Les frères et soeur sont au nombre de quatre : Luc, Sébastien, Claire et Bertrand.
Sébastien, séparé de sa femme Ruth repartie aux States avec ses enfants, “commande“ à bord d'un bateau au milieu des fjords norvégiens, mais il devra subir une sorte de mutinerie.
Luc est patron d'une société, également quitté par sa femme Anne-Marie, qu'il n'a pas réussi à aimer véritablement, mais qu'il ne peut se résoudre à oublier.
Claire vit seule dans la Drome depuis que son époux, Gérard, s'est tué en moto, et que ses trois enfants ont quitté le foyer. Toute à ses pinceaux et ses peintures, elle ressasse.
La soeur d'Henri, Suzy et son mari Jean, dramaturge au succès en demi-teinte, sont souvent présents, et Suzy sollicite beaucoup son frère pour une aide financière, après la mort de son mari.
Deux autres personnages occupent l'espace, Bernadette, sorte de gouvernante indispensable, et Pantalon III, caniche devenu vieux et qu'il fallut euthanasier.

Ainsi évoluent les personnages de ce roman, entre souvenirs d'une enfance sereine et soumission craintive à l'autorité paternelle. La psychologie, l'introspection, travaillent les frères et soeur sans les écraser. S'y ajoute une dose de culpabilité à l'égard de Bertrand et de ce qu'ils ont laissé faire - sans le vouloir.

Ce roman est une véritable découverte : curieusement structuré, mêlant approches et périodes sans ordre, bien rythmé, allant d'un personnage à l'autre, d'une histoire à une autre, avec une écriture originale, laissant place aux mots, aux locutions dans un jeu volontiers déconcertant, mais aussi aux sentiments, aux pensées, aux bonheurs passés et aux frustrations actuelles.
Un regard finalement mordant, acerbe sur la famille.
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