Citations sur La saison des feux (100)
« Elle s’était fait une réputation de femme sur qui on pouvait compter et qui faisait bien son travail, quoique——même si personne ne le disait à haute voix ——un peu routinière, plutôt convenue, et terriblement« gentille ».
Shaker Heights était un endroit sûr, moyennant quoi les nouvelles étaient proportionnellement insipides ... ».
Tout, avait-elle remarqué, pouvait se métamorphoser. Même les deux rochers dans le jardin devenaient parfois argentés dans la lumière du petit matin. Dans les livres qu'elle lisait, chaque ruisseau pouvait être un dieu fleuve, chaque arbre une dryade déguisée, chaque vieille femme une puissante fée, chaque caillou une âme enchantée. Tout avait le potentiel de se transformer, et ça, pour elle, semblait être la véritable signification de l'art.
« Vous devriez envisager de faire des portraits professionnellement », suggéra Mme Richardson. Elle marqua une pause. « Non que vous ne soyez pas déjà une professionnelle, évidemment. Mais dans un studio, peut-être. Ou pour les mariages et les fiançailles. Vous seriez très demandée. (…) D'ailleurs, vous pourriez peut-être photographier ma famille. Je vous paierais, naturellement.
- Peut-être, répondit Mia. Mais le problème avec les portraits, c'est que vous devez représenter les gens tels qu'ils veulent être vus. Et je préfère les montrer tels que MOI je les vois. Donc je finirais probablement par nous frustrer l'une comme l'autre. »
Mais le problème avec les règles, songea-t-il, c'était qu'elles supposaient une bonne et une mauvaise manière de faire les choses. Alors qu'en fait, la plupart du temps, il y avait simplement des manières différentes, dont aucune n'était totalement mauvaise ou totalement bonne, et il n'y avait rien pour vous indiquer de quel côté de la ligne de démarcation vous vous trouviez. (p. 301)
Tout le monde à Shaker Heights en parlait cet été-là : du fait qu’Isabelle,
la dernière des enfants Richardson, avait finalement perdu la raison et mis
le feu à la maison. Tous les ragots du printemps avaient tourné autour de la
petite Mirabelle McCullough, et maintenant, enfin, il y avait un nouveau
sujet de conversation sensationnel.
Maintenant qu'elle était adolescente, ces gestes affectueux étaient devenus rares - un bisou sur la joue, un câlin un peu forcé -, mais d'autant plus précieux. C'était dans l'ordre des choses, estimait Mia, mais c'était dur. L'étreinte occasionnelle, la tête penchée juste un instant sur votre épaule, quand ce que vous vouliez vraiment plus que tout, c'était tenir l'enfant contre vous et le serrer si fort que vous ne faisiez plus qu'un et ne pouviez plus être séparés. C'était comme s'entraîner à se satisfaire de la simple odeur d'une pomme, quand ce que vous vouliez vraiment, c'était la dévorer, plonger les dents dedans et l'engloutir, pépins et trognon inclus.
Toute sa vie elle avait appris que la passion, comme le feu, était une chose dangereuse.
...
Elle avait toujours senti que cette philosophie l'avait portée dans la vie, lui avait été bien utile.
p.183
C'etait une adolescente, se disait constamment Mia ; elle essayait de nouvelles peaux, comme tous les enfants de son âge, mais en privé elle se méfiait des changements qu'elle remarquait.
Elle avait été élevée pour suivre les règles, pour croire que le fonctionnement du monde dépendait de sa capacité à s'y conformer, et c'était précisément ce qu'elle faisait et croyait.
Pour un parent, un enfant n'est pas une simple personne : c'est un "endroit" , une sorte de Narnia, un lieu vaste et éternel où coexistent le présent qu'on vit, le passé dont on se souvient et l'avenir qu'on espère."