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Critique de April-the-seven


Vous avez sans doute entendu parler de ces tragédies évoquées dans les faits divers : un adolescent qui ouvre le feu sur ses camarades de lycée. C'est un sujet d'actualité qui a fait beaucoup de remous ces dernières années (et qui en fait même depuis deux jours, là). de quoi donner bien des sueurs froides. Marieke Nijkamp aborde ce sujet brûlant à travers son oeuvre fictionnelle 54 minutes.

Dans ce court roman de 289 pages, nous suivons Tomás, Sylv, Autumn et Claire. Tous sont élèves à Opportunity School. Un jour, alors que deux d'entre eux assistent au discours de leur principale, un ancien lycéen fait son entrée, verrouille les portes et tire sur la foule. Il s'agit de Tyler, le frère d'Autumn. Mais alors que veut-il ? Pourquoi fait-il ça ? C'est à travers la voix de 4 personnages que les tourments de Tyler vont être révélés au grand jour. Minute après minute, nous allons marcher dans leurs pas et découvrir l'horreur de ce qui les attend.

C'était pour moi un vrai challenge de lire ce roman. Une amie m'en avait parlé, et si j'étais particulièrement attirée par le thème, je savais en revanche qu'il allait mettre mes nerfs à vif. J'ignorais si j'étais vraiment prête à le supporter. Finalement, j'ai tenté le coup.

Dès les premières pages, je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir une boule dans la gorge, parce que je savais pertinemment ce qui allait se passer. Puis Tyler arrive et l'irréparable se produit. Là, on se sent étrangement claustrophobe. On se figure sans mal la détresse, le chagrin, la mort, le sang… tout cela nous explose en plein visage, et le lecteur n'est que l'impuissant témoin de cette tuerie de masse.

Ce qui fait la force de 54 minutes, c'est son rythme. À la fois effréné et terriblement lent. le temps est comme ralenti. On est suspendu à un fil, passant minute après minute aux côtés des personnages. Et en même temps, la vitesse avec laquelle les éléments s'imbriquent donnerait presque le tournis. C'est finement amené de ce côté-là et ça ne fait qu'alimenter le caractère anxiogène du récit.

Marieke Nijkamp a décidé de donner la parole à 4 personnages. Tous sont des adolescents à l'aube de l'âge adulte. Ils ont des rêves, des aspirations, des fêlures et des secrets. Beaucoup de secrets. Leurs voix s'élèvent à l'unisson pour reconstituer l'histoire. Les témoignages, les sentiments et les émotions de chacun sont mis à nu. de temps à autre, des messages Twitter viennent agrémenter le récit pour nous rappeler qu'en dehors de ce huis clos, la vie continue, les gens s'agitent. Ça ne fait que renforcer la crédibilité de l'histoire.  

54 minutes repose sur un thème actuel. En sachant que de réelles personnes ont dû vivre un calvaire similaire, l'histoire n'en est que plus glaçante. Et l'auteur se sert de ça pour apporter plus de poids encore à son intrigue. Même si dans l'ensemble celle-ci m'a paru assez convenue, j'ai trouvé la plume d'une simplicité tranchante, presque chirurgicale. Cette absence de fioritures rend le rythme plus percutant encore.

La fragmentation des points de vue pour un livre aussi court est un risque en soi. Chaque témoignage tient sur 3 à 4 pages avant de passer au suivant, ce qui, pour ma part, m'a empêché d'être entièrement dans l'empathie avec les personnages. Je les ai trouvés émouvants dans leur fragilité, mais le roman se focalise sur l'instant ou sur des aspects très précis du passé de certains. Il est évident que le roman n'a pas pour portée de s'attarder sur tous les personnages en profondeur. Il y a plutôt un sentiment d'urgence et une rapidité dans les actions qui permet à la machine de s'emballer très vite pour nous laisser essoufflés en fin de course. D'ici quelques années, je ne pense pas me souvenir encore des personnages ; en revanche, je me souviendrai du thème de ce roman et ce qu'il m'a poussé à éprouver.

On peut également être tenté de se demander quelle est la morale d'un livre pareil. Je suppose qu'en plus de chercher à nous décrire l'horreur de l'acte, Marieke Nijkamp a également voulu nous expliquer ce qui pouvait se jouer dans la tête du tueur. Comment peut-on en arriver à tirer sur ses camarades sans autre forme de procès ? Qu'est-ce qui se cache vraiment derrière le masque d'un meurtrier ? Est-ce qu'il existe des raisons valables qui puissent justifier un acte aussi barbare ? Elle nous laisse nous faire notre propre avis sur la question…

En résumé, j'ai passé 54 minutes au coeur d'une tuerie. J'y ai rencontré des personnages fragiles et vulnérables. J'ai eu mal, mais pas autant que je le craignais. J'ai réfléchi, aussi. Parce qu'on a tendance à oublier que tout peut partir en vrille le temps d'un battement de paupières. Je n'ai jamais trouvé le temps aussi long et en même temps aussi rapide… Et n'oubliez pas : 54 minutes peuvent suffire à changer votre vie à jamais.
Lien : https://april-the-seven.weeb..
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