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Critique de mylena


Ce livre, resté célèbre par son incipit ( "J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie." ), est d'un bout à l'autre un cri avant même d'être un pamphlet. L'auteur s'en prend d'abord au milieu où il a grandi, à la France de l'après-guerre (il a vingt ans en 1925), à son intelligentsia, à l'absence de perspectives, d'avenir, d'horizon. Il décide donc de partir, loin de la vieille Europe. Ce sera Aden. Pourquoi Aden ? le lecteur n'en saura rien, probablement par hasard. D'ailleurs un élément remarquable de ce récit autobiographique est l'absence quasi totale d'éléments autobiographiques concrets. Un peu imbu de lui-même et probablement dépressif, il prend donc le large. A Aden il travaille en fait comme précepteur chez un riche homme d'affaire. Loin d'un univers d'aventures à la Rimbaud ou à la Gauguin, il tombe dans un milieu étriqué où même tous les colons blancs ne se fréquentent pas, de même que les arabes ne fréquentent pas les juifs. Aden est en pleine expansion, en pleine occidentalisation, économique du moins, parce que côté culture, il n'y a rien. du coup le voilà encore plus désabusé, désenchanté, et, tel Ulysse, il finit par rentrer au bercail où... il adhère au Parti Communiste.
Paul Nizan a été un écrivain très connu jusqu'à sa mort (au front en 1940), mais à partir d'août 1939, il subit des attaques nombreuses et virulentes de la part du Parti Communiste avec lequel il est en rupture suite à la signature du pacte germano-soviétique. Comme l'explique Jean-Paul Sartre dans sa très longue préface « L'anéantissement de Nizan fut décidé. Une balle explosive l'avait, entretemps, frappé derrière la nuque, mais cette liquidation ne satisfit personne : il ne suffisait pas qu'il eût cessé de vivre, il fallait qu'il n'eût pas du tout existé. On persuada les témoins de sa vie qu'ils ne l'avaient pas connu pour de vrai : c'était un traître, un vendu. » Cette longue préface, pas toujours limpide, a failli m'arrêter et finalement je ne l'ai lu qu'après. Elle était nécessaire en 1960 pour des lecteurs qui n'avaient aucun élément pour comprendre Aden Arabie, mais à l'heure actuelle j'ai eu l'impression que c'était la préface qui avait besoin, et de notes, et d'explications, en tout cas pour moi ! Sartre était frappé en 1960 par l'actualité du texte, et, franchement, le cri du jeune Nizan dans ses conclusions n'a guère pris de rides ! Et quelle belle plume, riche, travaillée et en même temps pleine de pointes d'ironie ( « Je suis arrivé, il n'y a pas de quoi être fier » « Vous pouvez uriner librement dans la mer : nommerez-vous ces actes la liberté ? » ) entre de grandes envolées philosophiques et des métaphores parfois devenues énigmatiques. Maintenant que je l'ai découverte, cette plume, il ne me reste plus qu'à me plonger dedans, à découvrir ses romans (j'ai encore quatre autres livres de Nizan), et à méditer sur les dégâts de toute forme de cancel culture !
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