Un livre intéressant, sorti à point il y a quelques semaines, parce-qu'il est la dernière enquête et la dernière biographie de
Kundera, bien que la finaude
Florence Noiville, amie et témoin de la fin imminente de l'écrivain, s'en défende, puisque
Kundera haïssait ça, et maquille son bouquin et sa trahison en "manteau d'Arlequin", et parce qu'on découvre les quatre dernières années d'un
Kundera qui avait oublié qu'il était
Kundera, qui ne jouait plus les beaux ténébreux désabusés et qui déchirait des livres et des papiers toute la journée entre sa femme et son infirmière avaient du sens quand même, dans le monde absurde et insignifiant qu'il a fantasmé et voulu transmettre hélas toute sa vie.
C'est bien la dévotion de groupie inconditionnelle et les milliards de superlatifs louangeurs de
Florence Noiville qui donnent dans le risible et l'insignifiant. Milan doit bien se marrer. Pourquoi pas, mais quand on pense au désespoir et à la perte de sens et de repères de la jeunesse faut peut-être pas en rajouter...
Le cas
Kundera est simple. C'est quelqu'un dont les tchèques et les féministes pensent non sans raison qu'il fut un sale bonhomme égoïste, opportuniste, profiteur, planqué et lâcheur indigne du Nobel et dont
Vaclav Havel disait « Ce type se fout de tout », et qui fut en même temps un bon écrivain grand décapeur de mensonges et découvreur de vérités, sur les amours risibles, la jeunesse héroïque,
l'art du roman, l'exil, la trahison, l'élection amoureuse ou le kitsch militant par exemple, dont l'erreur ou plutôt la duplicité fut de vouloir jouer et faire jouer à ses personnages le scepticisme et le cynisme dans un monde absurde sans finalité ni progrès alors que les conclusions idéalistes de ses romans frisant le happy end, ses 56 ans de vie commune, douce et confortable avec Vera et l'évidence des avancées et évolutions scientifiques, technologiques, démocratiques et humanistes contredisent ces poses tragiques de beau ténébreux et cette posture constamment nihiliste, plus vendeuses qu'authentiques, qui finalement l'ont piégé lui-même quand il aurait fallu qu'il salue la chute du Mur de Berlin et le dégel du bloc de l'Est qui contredisaient et ruinaient son pessimisme viscéral et quand il s'est tu en tournant la tête.