Depuis sa mésaventure amoureuse, elle avait volontairement occulté toute séduction de ses états d’âme. Elle s’était voulue asexuée et sans charmes pour ne plus avoir à subir de désillusions. L’intérêt visiblement suscité venait de réveiller en elle un trouble délicieux qu’elle avait cru à tort avoir oublié.
Malheureusement, plus elle allait, plus une sensation pernicieuse de malaise et de crainte grandissait, évinçant peu à peu ce distrayant intermède. Lorsqu’elle referma la porte de son appartement, elle se sentit enfin à l’abri d’un danger indéfinissable et sournois.
— Vous vous y connaissez donc en langage des fleurs ?
— C’est une langue universelle ! Il est plus facile parfois de leur laisser le champ libre plutôt que d’avouer directement un sentiment à la personne concernée. Surtout si celui-ci est passionné. Vous l’intimidez…
L’évocation de ces souvenirs lui redonna l’envie de se battre. Rien n’était facile dans la vie et elle ne devait pas renoncer.
Elle avait toujours détesté le silence. Le silence et l’obscurité !
Lorsque enfant, elle rentrait de l’école, elle aimait s’entourer de lumières et de bruits. Elle faisait ses devoirs avec la télévision en fond sonore ou ses écouteurs sur les oreilles. Elle oubliait ainsi les craquements insolites de la grande maison, le vent qui faisait parfois grincer la balançoire dans le jardin, ou l’ombre qui se pressait contre les vitres pour tenter de l’engloutir. Chaque soir, elle avait l’impression de gagner une victoire sur le monstre qu’elle croyait tapi dans quelque recoin de la demeure familiale.
Et voilà que le monstre était bel et bien là, concrétisant brutalement ses terreurs d’enfant.
Ne jamais rien reporter à plus tard, car l’on ne savait jamais ce que l’avenir réservait !
Nul n’est tout blanc ou tout noir dans ce genre d’histoires…