Mes yeux saignaient de l'eau salée.
Chacun est libre de décider de sa personne moi, je veux être I'homme qui t'appartient.
J'appartiens à ma fille, à Roar et à toi. Je t'ai choisie, Unni, c'est avec toi que je veux traverser les années. Nous formons un tout. Et ici, c'est chez nous.
Lui qui ne me poussait pas à dépasser mes limites, qui ne se moquait pas de moi quand je comprenais pas quelque chose, était là, assis à cet endroit où la forêt ancienne s'ouvrait sur le pâturage, un vieux couteau à gaine en main, concentré, tête baissée.
Dieu que la mort est quelque chose de curieux. Ça fait des décennies qu'elle m'a remarquée. Un être humain qui existe. Une personne qui respire. Parle. Et qui peut changer, disparaitre. Ne plus jamais exister. Voilà une idée à laquelle il est impossible de se faire. Moi, je suis enfermée dans un corps semblable à celui d'un cadavre, sauf que je respire.
Dans l'obscurité colorée de mauve, Armod et moi restions un moment éveillés. Il me regardait, et je posais mes doigts sur son poignet pour sentir son sang pulser dans ses veines. S'il était de bonne humeur, un sourire s'esquissait sur son visage. Je passais alors le bout des doigts sur sa mâchoire, sentais chaque poil de barbe naissant me piquer la peau. Devant ses yeux grands ouverts, j'avais le sentiment de voir ses pensées.
- J'ai envie de toi, Unni, pouvait-il murmurer.
Sans prononcer un mot, je lui répondais que javais envie, moi aussi. Avant de nous endormir, je glissais ma main dans la sienne, elle s'y imbriquait parfaitement. Son haleine sentait la pomme et le persil.
Je suis vagabond et, depuis peu, pêcheur. Un vagabond ne peut pas hésiter à tout quitter et un pêcheur ne peut craindre l'eau, de même que qui redoute les flammes est piètre forgeron.
On a beau être mourant toute sa vie, on ne meurt qu'une seule fois. En l'espace de quelques minutes, un cœur battant peut se transformer en boule de chair inerte, de plus en plus froide dans un corps raide. La Terre, elle, continue de tourner, nous laissant à peine reprendre notre souffle.
L'obscurité profonde régnait au-dehors. Noir sur fond de noir. Voilà à quoi ressemblent les saisons dans ce pays : le jour éternel ou la nuit éternelle. pas une voiture n'est passée sur la route.