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Critique de mesrives


Le peuple des huttes de Ester Blenda Nordström (1891-1948) nous offre une immersion dans la toundra du Nord de la Suède le temps d'une transhumance estivale en compagnie des éleveurs de rennes et leur famille. Un récit de voyage d'une jeune journaliste à peine âgée de vingt quatre ans témoignant d'un court séjour dans une communauté same, cinq mois, de mai à septembre 1915,  effectué dans le cadre de sa fonction d'institutrice itinérante. En effet le gouvernement suédois a retenu sa candidature pour enseigner sur un camp d'été.

Une lecture que j'ai reçu comme un long joik dédié à la communauté same qui l'a accueilli, authentique, réaliste, vibrant, un remerciement sincère à ce peuple semi- nomade et aux terres sauvages traversées avec lui, des étendues ourlées de tourbières, de forêts denses et de lacs.
Oui, un joik comme une offrande à tous leurs membres et aux vivants qui les entoure, la faune et la flore arctique.

Des tempêtes de neige à l'avènement d'un printemps tardif qui efface enfin la blancheur hivernale juste avant l'arrivée au camp de base où Ester Blenda Nordström doit enseigner à 14 enfants le périple est long, les péripéties nombreuses et les dangers bien présents. Courage, obstination, patiente sont nécessaires durant ce voyage de plusieurs semaines qui va lui permettre de se mesurer aux éléments, le vent, le froid, la pluie, la neige, et aux conditions difficiles, fatigue, épuisement. Mais cela lui donne le temps de s'imprégner de leur mode de vie, captant les gestes du quotidien et les différents rituels, d'appréhender leur langue qu'elle arrive peu à peu à maîtriser, de comprendre leur organisation où rapidité et adresse permettent de survivre.

Oui comme un long joik troublant qui émeut le lecteur devant l'intelligence de coeur, la compassion, l'empathie de cette toute jeune femme, qui se glisse dans la peau des sames, saisit leur âme en embrassant leur univers.
Une expérience de vie qui loue la présence au monde dans un partage sensible de ce passage dans un lieu extraordinaire où tout est harmonie, respect de l'environnement, comme par exemple
l'évitement des terres habitées par les esprits et, démontre l' adaptation des sames à un milieu hostile mais devenu familier et regorgeant de richesses cachées.

L'émerveillement, le ravissement d'Ester Blenda Nordström nous traverse au fil des pages, ses enchantements irradient de joie et de bonheur, seul ces constats sur l'éducation nous rappelle l'empreinte de la christianisation forcée sur ce peuple converti au christianisme par des siècles de persécutions religieuses à qui les prédicateurs successifs ont interdit de « joiker » notamment Lars Levi Laestadius (1800-1861).

Ester Blenda Nordström nous fait rencontrer un peuple hospitalier, curieux, solidaire pourvu de beaucoup d'humour et qui use de nombreuses périphrases animé par l'idée que les sames font partie d'un tout où les espèces cohabitent, coexistent et qu'il ne faut pas heurter.

Le peuple des huttes un récit de voyage exprimant aussi la reconnaissance, l'amour et je dirais presque l'affiliation que ressent Ester Blenda Nordström pour cette communauté qui a enrichi l'esprit et le coeur de la jeune fille de Stockholm qu'elle était.
Une aventure humaine inoubliable. Un éclairage pour mieux comprendre la question du droit des peuples autochtones. Une belle rencontre. Une auteure à la personnalité fascinante et au destin tragique. Une lecture immersive. Un gros coup de coeur.

Je remercie les Editions Belloni et la traductrice Anne Karila.

Précision, luttant pour l'émancipation des femmes aux côtés d'Elin Wägner, Ester Blenda Nordström a aussi relaté dans un premier ouvrage son expérience de fille de ferme, le peuple des huttes (Kåtornas folk), son deuxième récit, a contribué à l'adaptation des programmes scolaires de la politique éducative dans le grand Nord.
La biographie que lui a consacré Fatima Bremmer en 2017 a obtenu le prix August (catégorie Essai)
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