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EAN : 9782492452031
244 pages
Editions Belloni (28/04/2022)
4.75/5   2 notes
Résumé :
Ester Blenda Nordström, auteure et journaliste, nous entraîne chez les Sames en 1915 où elle va devenir l'institutrice des enfants. Récit émouvant et remarquable où la vie est précaire dans une nature sauvage.
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Le peuple des huttes de Ester Blenda Nordström (1891-1948) nous offre une immersion dans la toundra du Nord de la Suède le temps d'une transhumance estivale en compagnie des éleveurs de rennes et leur famille. Un récit de voyage d'une jeune journaliste à peine âgée de vingt quatre ans témoignant d'un court séjour dans une communauté same, cinq mois, de mai à septembre 1915,  effectué dans le cadre de sa fonction d'institutrice itinérante. En effet le gouvernement suédois a retenu sa candidature pour enseigner sur un camp d'été.

Une lecture que j'ai reçu comme un long joik dédié à la communauté same qui l'a accueilli, authentique, réaliste, vibrant, un remerciement sincère à ce peuple semi- nomade et aux terres sauvages traversées avec lui, des étendues ourlées de tourbières, de forêts denses et de lacs.
Oui, un joik comme une offrande à tous leurs membres et aux vivants qui les entoure, la faune et la flore arctique.

Des tempêtes de neige à l'avènement d'un printemps tardif qui efface enfin la blancheur hivernale juste avant l'arrivée au camp de base où Ester Blenda Nordström doit enseigner à 14 enfants le périple est long, les péripéties nombreuses et les dangers bien présents. Courage, obstination, patiente sont nécessaires durant ce voyage de plusieurs semaines qui va lui permettre de se mesurer aux éléments, le vent, le froid, la pluie, la neige, et aux conditions difficiles, fatigue, épuisement. Mais cela lui donne le temps de s'imprégner de leur mode de vie, captant les gestes du quotidien et les différents rituels, d'appréhender leur langue qu'elle arrive peu à peu à maîtriser, de comprendre leur organisation où rapidité et adresse permettent de survivre.

Oui comme un long joik troublant qui émeut le lecteur devant l'intelligence de coeur, la compassion, l'empathie de cette toute jeune femme, qui se glisse dans la peau des sames, saisit leur âme en embrassant leur univers.
Une expérience de vie qui loue la présence au monde dans un partage sensible de ce passage dans un lieu extraordinaire où tout est harmonie, respect de l'environnement, comme par exemple
l'évitement des terres habitées par les esprits et, démontre l' adaptation des sames à un milieu hostile mais devenu familier et regorgeant de richesses cachées.

L'émerveillement, le ravissement d'Ester Blenda Nordström nous traverse au fil des pages, ses enchantements irradient de joie et de bonheur, seul ces constats sur l'éducation nous rappelle l'empreinte de la christianisation forcée sur ce peuple converti au christianisme par des siècles de persécutions religieuses à qui les prédicateurs successifs ont interdit de « joiker » notamment Lars Levi Laestadius (1800-1861).

Ester Blenda Nordström nous fait rencontrer un peuple hospitalier, curieux, solidaire pourvu de beaucoup d'humour et qui use de nombreuses périphrases animé par l'idée que les sames font partie d'un tout où les espèces cohabitent, coexistent et qu'il ne faut pas heurter.

Le peuple des huttes un récit de voyage exprimant aussi la reconnaissance, l'amour et je dirais presque l'affiliation que ressent Ester Blenda Nordström pour cette communauté qui a enrichi l'esprit et le coeur de la jeune fille de Stockholm qu'elle était.
Une aventure humaine inoubliable. Un éclairage pour mieux comprendre la question du droit des peuples autochtones. Une belle rencontre. Une auteure à la personnalité fascinante et au destin tragique. Une lecture immersive. Un gros coup de coeur.

Je remercie les Editions Belloni et la traductrice Anne Karila.

Précision, luttant pour l'émancipation des femmes aux côtés d'Elin Wägner, Ester Blenda Nordström a aussi relaté dans un premier ouvrage son expérience de fille de ferme, le peuple des huttes (Kåtornas folk), son deuxième récit, a contribué à l'adaptation des programmes scolaires de la politique éducative dans le grand Nord.
La biographie que lui a consacré Fatima Bremmer en 2017 a obtenu le prix August (catégorie Essai)
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Au loin, un chien hurle à la nuit blême, la fumée des kotas s’élève en mince filets à travers les nuées de moustique et il plane le plus doux de tous les silences, celui de la toundra. Un silence peuplé de sons, de vie, de chants.
On dirait que la montagne chante, que la terre et les arbres chantent, que chaque petite feuille chante sa propre mélodie silencieuse. Est-ce le clapotis du lac, un torrent qui gronde dans le lointain, le caquetage ténu des oies sauvages ? Je ne sais pas, mais on reste là, à tendre l’oreille, dans l’attente d’un son plus intense encore, qui recèle toutes ces merveilles. Et le voilà ! Tel un rayon de lumière pénétrant l’obscurité, tel le soleil qui perce d’épais nuages, tel … - non, il n’y a pas de comparaison. C’est juste une voix douce, une mélodie monotone sur des paroles indistinctes, une merveilleuse mélopée, ni sauvage ni tranquille, dont les fluctuations contiennent toute la rigueur et la douceur de la toundra. Il y a dans ce chant le parfum des bouleaux, les étoiles, la montagne et les eaux, le moelleux de la mousse et l’odeur de la terre, le fracas des rapides et le cri des plongeons, le gargouillis des ruisseaux, le bruissement des feuillages.
Et ce n’est qu’une jeune fille chantant un joik ! Je reconnais Marja qui revient du lac où elle a posé des filets, elle croit que personne ne l’entend, qu’elle est seule, à cette heure tardive. Sinon, elle ne laisserait pas un joik s’échapper de ses lèvres. Parce que maintenant, depuis que le christianisme s’est victorieusement imposé, joiker est un terrible péché. C’est un péché, c’est impur, et les portes du paradis resteront fermées à celui qui enfreint ce commandement. Psaumes, chants sacrés, prières et homélies ont remplacé le joik. Le joik c’est la damnation. Et les Lapons obéissent. Ils se taisent, ne chantent plus leurs joies et leurs souffrances intimes. Ils veulent aller au ciel, alors malheur à celui qui joike. Parfois les jeunes oublient, ils prennent le risque de la damnation. Quand personne ne peut les entendre, ils laissent couler le joik de leurs lèvres, deviennent les improvisateurs de la grâce divine, mélodie et paroles naissent de tout ce qui brûle en eux. Le rythme croît et décroît, les mots l’épousent avec souplesse, créant atmosphères et beauté, la mélodie oscille entre présence et absence, tantôt sauvage, dure et douloureuse, tantôt douce et tendre, tantôt triste à vous faire pleurer le coeur, tantôt gaie à faire pétiller le regard. La tessiture est peu étendue, les notes sont peu nombreuses, mais tout ce qui doit être dit est dit. Tout ce qui jaillit à l’esprit et demande à sortir prend forme et voix, simplement, sans artifice, et pourtant recèle ce que tout l’art du monde ne saurait imiter.
Comme Marja, à cet instant ! Il va de soi qu’un soir comme celui-là, elle doit chanter un joik, quand les étoiles scintillent à l’ouest, que le lac est de verre, les montagnes d’un blanc bleuté et leurs sommets teintés de rose, quand les bouleaux emplissent l’air d’effluves parfumés. Il va de soi qu’elle doit joiker tout cela, afin que la joie, la jeunesse et le bonheur ne fassent pas éclater son coeur.
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