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Critique de axelreaute


Il est des mythes difficiles à déconstruire. Après avoir fait longtemps partie des adorateurs de John Lennon et des pourfendeurs de Paul McCartney, Philip Norman ouvre les yeux sur celui qu'il décrivait, à longueur de papiers, comme un conteur, certes très doué, de niaiseries pour adolescentes. Une « légende » renforcée après la mort tragique de Lennon en 1980. « À partir de ce moment-là (…) Lennon serait considéré comme l'avant-gardiste, l'expérimentateur, le preneur de risques, et McCartney resterait le mélodieux, le sentimental, le prudent. » Dans une biographie aussi monumentale que passionnante, Norman, « rock critic » au Times, démonte une par une ces images d'Épinal. Et révèle finalement ce que les « maccartistes » savaient déjà : celui qui prend des risques (musicaux), c'est « Macca ». À l'époque des Beatles, c'est lui qui a les idées les plus percutantes, songe à l'album Sergent Pepper, impulse le changement d'image des « Fab Four », trop sages, crée le premier morceau de heavy métal (« Helter Skelter »)... Une fois l'aventure « plus célèbre que le Christ » terminée, McCartney alterne avec les wings ballades (qu'il maîtrise à la perfection), rock, reggae, électronique (« Coming Up » qui suscitera même l'admiration de Lennon), l'étrange (« Temporary Secretary »). Alors que Lennon n'atteint qu'à de rares reprises ses anciens sommets, qu'Harrison fait un chef-d'oeuvre (All Things Must Pass) puis s'en va et que Ringo fait du Ringo, McCartney garde une qualité (presque) constante tout au long des années 1970. Norman réévalue à la hausse RAM (1971), consacre Band Oon the Run (1973), donne quelques satisfecit à des singles et tresse des louanges à Chaos and Creation in the Backyard (2005), son dernier opus digne de l'époque des « Fab Four ». Autre idée reçue gravée dans le marbre : Paul McCartney serait, avec Yoko Ono, à l'origine de la séparation du plus grand groupe de musique de l'histoire. Pourtant, Norman prouve page après page que « Macca » a tout fait pour maintenir soudé un groupe en voie de désintégration. McCartney, certes dirigiste, garde son calme face à l'interventionnisme de Yoko (« Alors qu'elle ne connaissait absolument rien à la musique pop (...) elle n'hésitait pas à offrir ses opinions sur les chansons qu'ils travaillaient au studio »), passe outre le dilettantisme de John, gère tant bien que mal les sautes d'humeur de George (dont le portrait ici n'est guère flatteur pour celui qu'on présentait comme le gentil hippie disciple du Maharishi Mahesh Yogi) et demeure le dernier à faire son album solo, quand les autres ont déjà vogué vers des aventures solitaires. le vrai rebelle, enfin, c'est celui qui, derrière la vie de bon père de famille rangée, fait la une des journaux pour ses nombreuses arrestations pour possession de marijuana. Son rapport à la drogue est d'ailleurs brillamment évoqué. C'est également l'homme des combats. Pour le végétarisme, les bonnes causes et les batailles politiques à risque : en 1972, il s'attaque à la monarchie dans « Give Ireland Back to the Irish » – le titre sera interdit outre-Manche. Tandis que John Lennon, sous la plume de Philip Norman, apparaît comme le vrai petit bourgeois vivant avec femme et enfants dans un quartier chic de New York... Mais la légende resta figée le 8 décembre 1980. Paul aura alors cette phrase, citée dans le livre (p. 574) : « Il (John Lennon) est mort en légende, et moi je vais mourir en vieil homme. » Cruel et injuste destin pour les deux hommes. Norman, dans une écriture fluide, bien que se perdant quelquefois dans des détails anecdotiques ou répétitifs, retrace les heures de gloire de Paul McCartney, les plus sombres également (son divorce avec Heather Mills raconté par le menu comme un mauvais soap opera) et n'élude pas son rapport compliqué, voire obsessionnel, à l'argent. Une biographie de référence à lire. Accompagné de la cinquantaine de tubes composés par la légende.

Lien : https://www.lepoint.fr/pop-c..
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