AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de ithaque


Le livre que j'aurai le plus emprunté, rendu, re-réemprunté à la bibli : il est touffu et il nous emmène loin.


L'auteur est un glouton des mots, il les bichonne, il les guilise pour leur faire rendre leurs derniers petits rires et soupirs ; il est, plus largement, fasciné par le langage, ce que le langage fait à l'homme et comment celui-ci s'en sert pour faire apparaître le monde.


Sans préambule, l'auteur nous pousse dans le grand bain pour une plongée dans les abysses du langage. Il ne lésine pas sur les moyens : foisonnement de jeux de langue, ribambelle de mots-hameçons, distorsions, néologismes inventés sur le feu.

Pour lui, la fibre du langage, c'est le verbe. Les substantifs n'en sont que les socles refroidis, des moules qui nous tiennent à l'étroit. La substance même du langage c'est son mouvement, celui du verbe. L'homme est un verbe, à sa propre recherche.

Le langage n'est pas la description de la matière mais son révélateur ; pas un catalogue d'articles référencés, des couples signifiant-signifié, mais déploiement de l'espace.
La vue nous vient des mots. « C'est un autre monde que nous verrions de nos yeux avec d'autres mots. Notre vue est parlée. »

Si l'esprit de l'homme se résumait en un point, ce serait celui du point de perspective, celui qui étire l'espace à l'infini et lui donne son sens.
Image du kaléidoscope : l'embrouillamini des choses s'éclaire dans la mise à distance ; Les relations de l'univers prennent leur sens sous l'effet de perspective.


Avouons que par moments l'auteur paraît se chauffer quand même un peu, on a l'impression qu'il se fait un poil mousser le cerveau, emporté par son propre élan dans les rapides du grand fleuve des mots qu'il a auparavant mis sur puissance 10.

Non, parce que quand je demande à ma voisine par-dessus la haie c'est quand déjà le jour des poubelles de verre, je peine à y retrouver la magnificence exubérante et itérative que nous décrit abondamment notre tourbillonnant auteur. Mon prosaïsme désespérant renvoie peut-être au fait que nous devrions plus souvent reprendre violemment conscience de cette valeur magique du langage.


Des réflexions sur l'acteur de théâtre aussi : un véritable acteur , c'est tout sauf un égo obèse, c'est celui qui parvient à dégager le plancher et à laisser la place à l'Homme universel en lui.

J'ai aussi été sciée par ses références incessantes à Louis de Funès ; çui-ci nous a bien roulés dans la farine, dis donc ! je ne connaissais que le personnage grotesque de ses films familiaux : aucun rapport avec le niveau de haut vol de ses réflexions métaphysiques. Ca en bouche un sacré coin ma foi.

En parlant de foi, j'ai un peu faussé compagnie à Novarina et de Funès sur ce sujet, qui sert manifestement d'arrière-plan à leurs diverses réflexions. Mais sacré et métaphysique ne sont pas incompatibles avec l'être humain dans son tête -à-tête avec un univers tout nu (oui moi c'est comme ça que je le préfère l'univers, tout nu).


Ce livre contient en tout cas de magnifiques départs de lièvres qui font courir la pensée. On le referme en se disant que l'être humain, c'est quand même un sacré ptit gars, qui en a là-dedans. Si seulement il ne s'acharnait pas à tomber à pieds joints dans tous les pièges avec cette constance remarquable.

Merci Monsieur Novarina pour cette plongée décoiffante dans le grand bain des mots!



Commenter  J’apprécie          344



Ont apprécié cette critique (30)voir plus




{* *}