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Critique de Stockard


Il ne peut jamais rien se passer de grave les soirs d'Halloween. Après tout, les morts eux-même sillonnent les rues et Michael Myers est quelque part bien au chaud au fin fond d'un asile ou d'une tombe anonyme... C'est vraiment la soirée de l'année où on peut y aller à fond la caisse. Sûrement ce que devaient penser ces cinq adolescents d'Avon (coin paumé du Connecticut) quand, pied au plancher sur une petite route de campagne, ils sont allés sauvagement embrasser un arbre en bord de chemin. Pas de miracle, comme d'habitude, l'arbre a gagné. Résultat de la course : trois morts (Danielle, Toe et Marco) et deux survivants, Kyle qui ne récupérera plus jamais ses capacités mentales et retournera croupir dans l'enfance sans plus rien comprendre du monde qui l'entoure, et Tim, celui qui s'en sort le mieux physiquement mais dont l'effondrement psychologique, dû à la culpabilité de s'en être aussi bien tiré, va le ronger pire qu'une goutte d'acide fluoroantimonique...
A ces deux garçons suppliciés, Stewart O'Nan adjoint Brooks, policier solitaire et dépressif, c'est lui qui le premier arrivé sur les lieux de l'accident cette nuit-là a découvert les corps, ou ce qu'il en restait pour certains et qui depuis, pour des raisons qui resteront longtemps juste effleurées, n'a plus jamais passé une nuit normale.
Pour parfaire le tableau, s'invitent les voix de Danielle, Toe et Marco qui, sous une autre forme, continuent à rôder dans le coin. C'est Marco d'ailleurs qui se fait le narrateur de cette histoire prenant place un an jour pour jour après l'accident, interrompu sans cesse par les commentaires de ses deux camarades spectraux qui rectifient, expliquent et complètent le récit par leurs remarques parfois acerbes, quelque fois compatissantes (pour Danielle) et souvent ironiques (pour Toe).
Trois esprits dont on comprend vite les raisons de la présence : empêcher Tim de mettre son funeste plan à exécution, plan consistant, pour cette date anniversaire, à emmener Kyle avec lui rejoindre leurs amis et goûter enfin à une paix libératrice.

Loin d'une quelconque énième histoire de revenants (même si ce livre nous ferait presque regarder sous le lit parce que d'un coup, on a envie de les y trouver ces foutus fantômes) le Pays des Ténèbres, s'il flirte parfois avec le fantastique n'en franchit jamais la frontière car au fond, ce dont Stewart O'Nan nous parle une fois de plus et avec son talent habituel, c'est de son Amérique à lui faite de rock'n'roll, de petites bourgades oubliées et de junk food culture.
Cette fois, pour nous inviter à le suivre dans cette oeuvre marquante, il choisit ses personnages parmi des familles sans histoires qui voient leur existence virer au cauchemar en l'espace d'une nuit. Tout en pudeur et sensibilité, il nous brosse le portrait de ces vies brisées et, avec son écriture et son style admirables, c'est sans aucun mal qu'il nous fait ressentir le goût amer de la culpabilité, du deuil impossible et des regrets qui émaillent chaque page d'un encore (j'ai l'impression de me répéter quand je parle de cet auteur) émouvant, implacable et merveilleux roman.
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