Je ne t'ai pas dit ? Si on te rend visite, si cette nuit se répète à l'infini, cauchemar niché dans le rêve, c'est qu'il y a une raison. Tu penses que c'est de la torture, mais tu sais que ce n'est que justice. Tu sais très bien pourquoi. Tu es le chanceux de l'histoire, tu t'en souviens ? Tu es vivant.
« Tout de suite c’est l’odeur qu’il remarque, le mélange incandescent de vapeur d’antigel et d’essence. Le verre crisse sous les pieds, des bouts de plastique moulé de la calandre et du pare choc. Il n’y a personne dans les voitures. Les conducteurs ont été allongés sur le bitume, on s’occupe déjà d’eux, un visage de femme dans une forêt de jambes et Brooks détourne la tête avant d’en voir davantage, il cherche le coordonnateur des secours »
– Pourquoi faut-il que tu sois si méchant ? demande Danielle.
– Je suis mort, répond Toe. Je ne suis pas obligé d'être gentil.
Comment convaincre quelqu’un que sa seule certitude est une erreur ?
Et ça va, ici. Nous sommes heureux dans ce passé présent, nous roulons tous en voiture comme une tribu, des hors-la-loi en cavale. Il n y pas d'avenir, seulement le présent, cette minute-ci. Peu importe l'heure qu'il est ; nous ne voulons pas rentrer à la maison. Nous sommes jeunes et foutus dans les ténèbres au cœur de ce pays, à l'abri au sein de notre couteuse innocence, coincés derrière des lignes ennemies. Il est tard et il n y a nulle part ou aller car cette ville craint trop, mais nous nous en fichons. Nous sommes juste une bande de mômes idiots qui s'amusent. Nous voulons que la nuit dure éternellement.
C’est un soulagement, cette rêverie de fin de soirée, une bonne raison de se sentir encore plus mal, une sorte de torture qu’elle ne peut pas éviter de s’infliger, quand bien même elle sait qu’elle n’y croit pas vraiment.
Puissent les souvenirs nous assurer de rester proches de ceux que nous aimons.
Dès que les gens vont s’éveiller et se souvenir de quel jour on est, nous serons partout en ville, à faire des apparitions spéciales aux tables des petits déjeuners ou sous la douche avec des gens que nous connaissons à peine.
C’est un mensonge, en quelque sorte. Il est écartelé, en proie au dilemme classique. Il lui faut choisir entre ce qui est bien — que Tim soit avec nous — et ce dont il a envie — que Danielle soit avec lui. Dans les deux cas, il se sent coupable ; dans les deux cas, ce n’est pas de sa faute.
La plaisanterie ne trompe personne. Il a le béguin pour elle depuis la quatrième, et maintenant, c’est la seule nana qu’il voit, j’essaye de ne pas m’en mêler, vu qu’il est évident qu’elle est avec Tim, et puis ce n’est pas non plus la personne la plus facile au monde, mais je ne suis pas aveugle, il m’arrive parfois de fantasmer. Après tout, qui ne rêve pas d’avoir quelqu’un à aimer ?