AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de chocobogirl


Dans une vieille carriole chemine Henry Ducharmes et ses deux enfants, Andrew et Mary. Nous sommes en 1896 et notre homme espère faire fortune en Californie, tenant ainsi la promesse faite à sa défunte femme d'offrir un meilleur avenir à leurs enfants. Hélas, le sort en décidera autrement et c'est un petit groupe d'indiens qui les accueille, bien loin des bonnes intentions de cette famille qui les dérange. Alors qu'il massacre le père et son fils, Mary subit les assauts des bandits. Elle ne devra la vie sauve qu'à l'intervention d'un vieux cowboy, Ed Fisher. Retranchés dans la cabane des indiens, ils attendent l'attaque qui ne manquera pas d'arriver du reste de la troupe. La nuit va être longue. Ed prépare des munitions et raconte son passé à une jeune fille mutique et traumatisée.

Ed Fisher est loin d'avoir eu une vie simple et tranquille. Enfant volé par les indiens qui ont tués sa famille, il est ensuite vendu à des comancheros, des blancs qui s'allient aux Indiens pour se livrer au commerce d'alcool et d'armes. Il fuguera de sa famille d'accueil suivante et apprendra le métier de vacher avant de devenir un vrai cowboy puis un soldat, en s'engageant dans la guerre de sécession. A son retour, il ne savait « plus rien faire d'autre que manier un fusil » et devient un de ces buffalo runner qui massacrent les bisons par centaines pour gagner des fortunes.
Une vie aventureuse qui se poursuivra encore avec son lot de drames, de vengeance et de mort. Une vie indubitablement liée au destin des indiens et des grandes plaines, et à cette fameuse conquête de l'Ouest dont Ed fisher est le symbole.

Grande fresque à la fois historique et humaine, Buffalo Runner nous conte à travers le destin finalement peu glorieux d'un cowboy cette époque charnière des États-Unis qui vit le pays évoluer en une nation dite moderne tandis que certains de ses habitants en payaient le prix fort. La conquête de l'Ouest est en plein boom, des migrants colonisent les territoires des indiens à la recherche d'une vie meilleure, les buffalo runner massacrent les bisons et affament, par là-même, les familles indiennes vouées à une disparition progressive. La cohabitation avec les indiens se fait sanglante et chaque camp possède son quota de violence : des chasseurs blancs sont mutilés et tués, des enfants indiens massacrés sans scrupule. Pendant ce temps, les commerçants font leur beurre et une concurrence féroce fait rage, entraînant là-aussi son lot de sang coulé. Les boeufs remplacent les bisons et une véritable industrie de la viande est en train de naître.

Tiburce Oger connaît son sujet sur le bout des doigts et nous offre plutôt un western crépusculaire qui, loin de magnifier le cowboy légendaire, nous propose de découvrir sa face sombre à travers le point de vue de l'un d'eux. Ed Fisher avec sa longue expérience semble bien blasé et sa narration empreinte de tristesse et de mélancolie dévoile un Ouest sauvage finissant. Croisant des personnalités comme Théodore Roosevelt ou le Marquis de Morès, il dresse avec beaucoup de détails et de réalisme l'histoire de ce pays. On assiste par exemple à la fabrication de munitions, d'une précision exemplaire.
Scénariste de L'auberge du bout du monde et de Canoë Bay, auteur de Gorn, le dessinateur nous offre ici encore une histoire de grande qualité ! Ses planches sont loin d'être figées et témoignent d'une belle énergie qu'on retrouve dans son trait vif. Les couleurs sont particulièrement réussies et s'épanouissent même à de rares moments dans des illustrations pleines pages qui laissent le lecteur prendre la mesure de la dramaturgie de l'histoire. Il offre aux paysages et aux décors beaucoup d'ampleur tout en s'attachant aux hommes qui ont fait et défait l'Ouest.

Vrai réussite du genre, Buffalo Runner reprend les grands éléments qui ont fait la réussite du western mais pour mieux les dépasser. La bouleversante pirouette finale ne laisse aucun doute sur le contre-pied anti-héroïque du personnage principal, à l'image d'une nation qui s'est construite dans la douleur et oublie aujourd'hui eux qui l'ont faite jadis.
Un vrai coup de coeur et une histoire complète !
Lien : http://grenieralivres.fr/201..
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}