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Critique de DianaAuzou


Rosa candida – Audur Ava Olafsdottir, Zulma 2015*****
lecture août 2023
Il a 22 ans ou pas loin et s'apprête à quitter la maison pour une très ancienne roseraie, près d'un monastère, quelque part sur le continent. Dans ses bagages légers il prend trois boutures de rosa candida, la rose aux huit pétales, c'est tout.
Le livre s'ouvre comme ça, avec un départ pour commencement, et un présent de l'histoire racontée par le héro lui-même, Lobbi, c'est ainsi qu'il se fait appelé par son vieux père veuf.
L'histoire à la première personne emmène le personnage vers des découvertes de chaque jour, le corps doit bouger, la tête doit réfléchir pour pouvoir avancer et se maintenir en équilibre. Les questions se suivent, s'enfilent, se croisent et le passé revient comme une vague pour entamer le présent vers le futur, le futur proche pas plus.
L'espace est différent, le temps aussi, mais ce « différent » est bien plus éloigné que je ne puis l'atteindre, bien plus ailleurs que je ne puis l'imaginer et bien plus profond qu'il ne laisse paraître. Et tellement proche  et présent !
Au fil des pages le « je » du héros devient le mien. Non, je ne m'identifie pas à lui, je mène, presque, l'écriture, je suis avec la plume, sans pouvoir me lancer en avant dans le futur, sans pouvoir envisager quoi que ce soit, je suis dans l'événement présent, dans l'action d'écrire, dans une attente.
Tempo lent, chemin d'initiation depuis les grands espaces de lave et de pierre de l'Islande natale vers un autre espace, lointain, isolé, au même rythme lent avec la même patience en attendant que les choses se fassent, se mettent en ordre, pour se tenir droit sur la route. Rythme des saisons et de la terre, le rythme du temps d'un jardin, fragilité d'une rose aux huit pétales et sans épines.
Traverser l'espace et le temps implique aussi garder les anciens liens, et en créer d'autres aussi fugitifs soient-ils, des brins de miroirs qui dévoilent le personnage à lui-même et à nous lecteurs. Les autres et les lieux sont presque tous sans noms, sans repères, mais les rencontres s'identifient par une couleur des yeux, des cheveux, par la taille, le silence, l'étrangeté, de loin mieux retenus pas la mémoire qu'un nom propre, sans personnalité .
L'espace « ailleurs » s'incarne, le rêve prend vie, l'inattendu est accueilli. le héro est père depuis six mois, sa petite fille est un accident d'une courte nuit, mère et fille vivent ailleurs, il n'y a pas d'amour, pas de désir de s'unir, mais elles vont arriver toutes les deux le rejoindre dans sa roseraie, pour quelques semaines seulement.
Rien d'extraordinaire, ni dans les faits, ni dans les réflexions, et tout est extraordinaire dans les petites découvertes de chaque jour, de chaque être et dans la simplicité des liens qui se créent.
Il y a une vérité de la voie que le héros doit prendre, la voie du désir qui n'est pas seulement celui de la chair mais aussi celui d'aimer, de devenir responsable, de semer et d'attendre que ça pousse, que ça grandisse, du désir d'accompagner, d'être présent, de transmettre, de construire et faire de sa fragilité une force et une liberté.
Dans les grands espaces ouverts l'homme est à découvert, devant les volcans les montagnes et la mer, dans les petits espaces tout le monde se connaît, et s'entraide, les masques n'y trouvent pas leur place, ni les basses jongleries, c'est simple et ouvert, sans artifices, sans faux semblants.
L'écriture d'Audur Ava Olafsdottir, que je découvre avec ce roman, est un travail minutieux, sans emphase, sans pathos, sans mièvrerie, comme une étude délicate, une analyse de ce manque de faux éclat, une finesse dans la simplicité et dans l'ironie. Des exemples isolés seraient comme des mailles solitaires d'une tapisserie dont l'ensemble est une émotion croissante, enveloppante. « Un mot et tout et sauvé. Un mot et tout est perdu ». p.231
L'émerveillement a commencé à mi-chemin et puis a augmenté de plus en plus jusqu'à la fin. le merveilleux de cette écriture n'est, peut être, pas à définir, il a l'air de se cacher timidement dans l'ombre de lui-même. Comme l'ombre du héros qui le suit fidèlement et avec qui il s'entretient en confiance mais pas toujours, et à qui il se confie et demande soutien, comme ce héros qui découvre l'immense dans le minuscule, dans la simplicité et dans l'innocence d'une rose et de sa fille « elle s'est tournée vers le mur et serre son lapin. Sa lèvre inférieure dépasse – il est clair qu'elle lutte contre les larmes. »p.234. « C'est ainsi que la vie semble toujours vous prendre au dépourvu »p.252
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