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Critique de Annette55


«  Une fois encore j'ai survécu à tout , sans toi,
J'ai promis de ne plus faire un seul pas , sans toi
Mon âme est une maison abandonnée remplie de larmes sans toi
Mes yeux sont aveugles , je n'y vois plus
Chacun de mes cils est une aiguille de douleur sans toi » ..

Poème de Nâlî pour sa bien- Aimée , Habiba , plein d'amour et d'espoir , page 302 de cet ouvrage afin d'en exorciser l'horreur, la violence , le côté sombre, fort, d'une dureté extrême .

Cet ouvrage secoue, interpelle, écoeure , déstabilise, indigne le lecteur qui se pose la question : «  Vais - je continuer ma lecture? Jusqu'à la dernière page .
Mais c'est peut - être par la force des MOTS que nous devenons intemporels , que nous pouvons changer les choses .
Acheté en décembre , j'hésitais à le lire : le 21 août 1986 , vient au monde une petite fille frêle et chauve ,Frmesk, à l'exception d'une petite tache de cheveux blancs et fins en forme de coeur , juste au dessus de son front : signe d'Allah ou malédiction? Est - elle bénie ou maudite ?

C'est sa vie d'enfant —- puis de jeune femme exposée à l'extrême que conte ce récit poignant ——
Frmesk est née dans le Kurdistan Irakien , sa petite enfance sera marquée par l'inculture de l'honneur , par des actes de barbarie perpétrés à l'encontre de femmes jugées impures par des maris, des frères ou des mères analphabètes , haineuses , brutales au nom de coutumes ignobles d'une religion.

La mère de Frmesk craint pour sa vie car ce n'est qu'une «  fille » quand son mari menace de l'enterrer vivante , elle se décide à la confier à ses propres parents.
Gawhar , grand - mère maternelle de Fremsk, est laveuse de morts , s'occupe du corps des femmes que personne ne réclame , ne veut toucher , ni enterrer : des femmes jugées quantité négligeables, soumises au bon vouloir , à la cruauté , à la bêtise crasse des hommes , celles- ci assassinées lâchement dans le déshonneur et la honte .

Darwèsh, , le grand - Père, colonel à la retraite , mari de Gawhar, contrairement à son épouse ne lit pas uniquement le Coran , mais possède une riche bibliothèque.
Bienveillant , aimant , dans la modération et l'intelligence , ce couple uni ne parviendra qu'un temps à protéger Frmesk des inexorables menaces physiques et psychologiques qui se resserrent autour d'elle , dans un pays frappé par la guerre, la haine le génocide , l'oppression, la dévastation, les mensonges et L'OBSCURANTISME.

Là - bas , la moindre affirmation de soi, la moindre parole est réprimée par la violence, un traumatisme qui musèle , terrorise , empêche ces filles, ces femmes , ces enfants .
L'auteure dénonce avec force ces archaïsmes : viols , humiliations , mutilations sexuelles , incestes , meurtres ,lynchages.

L'ouvrage se construit entre deux époques : 1986 et plus au Kurdistan Irakien , d'une part , d'autre part en août 2016 , dans un hôpital du Danemark, où Frmesk est soignée .

Pourquoi infliger tant de souffrances et d'humiliations aux femmes ?
Pourquoi une partie importante de cette culture est basée sur le mensonge et les faux sourires?
Pourquoi une telle brutalité —- inouïe —- avec laquelle certaines d'entre les femmes sont traitées dans l'intimité de leur foyer ?
Pourquoi le prix à payer pour exister en tant qu'être humain est si élevé ? Et tant de musulmanes disparues sans laisser de trace? .
Une plume magnifique pour dire l'ignominie, on pourrait penser que Frmesk est l'auteure, réfugiée au Danemark? Première Romancière Kurde À la fin des années 1990 ?
Un roman très difficile à lire , violent , implacable , glaçant dès les 1ères pages, c'est certain , mais nécessaire pour que tout le monde sache que cela existe bel et bien et pour que chacun ouvre les yeux afin de lutter pied à pied pour qu'enfin ces horreurs cessent .

L'auteure est engagée auprès de nombreuses organisations et associations pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux enfants .
«  Ses traumatismes s'abattirent sur elle comme une pluie de coups de poing et de coups de pied » .
Merci aux Éditions Actes-Sud.
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