Quelque part, en lisière de la capitale de l'Angola, Luanda. Pays d'Afrique australe, l'une des anciennes colonies portugaises du continent, grandit notre jeune narrateur. Je vous emmène dans une histoire tout à fait, qui n'a rien de très remarquable, avec un titre qui est à la fois très succinct et, ma foi, assez terre-à-terre Je suis un peu dépassée par ce roman un brin inclassable, sans début véritable, avec une fin plutôt détonante. La littérature demande de faire des choix, et j'avoue très peu m'accorder l'occasion de lire les oeuvres des auteurs des pays du continent africain, finalement. Choisir ce titre me donne l'occasion de casser un peu mes habitudes de lecture en m'ouvrant à d'autres horizons inconnus. D'autant qu'Ondjaki, Ndalu de Almeida de son nom, semble être l'un des noms à retenir dans le domaine de la littérature africaine, Wikipédia nous liste la liste longue comme le jour des prix qu'il a reçus ces dernières années.
Le titre quelque peu farfelu laisse deviner deux des personnages importants de l'histoire, cette GrandMèreDixNeuf du jeune narrateur, cette personne solaire, cette présence rassurante, chaleureuse, aimante à défaut de toute autre forme de parents, Et cet homme soviétique, cet officier, qui sous ses couches d'uniforme s'adapte à Luanda aussi mal qu'un homme du froid peut le faire sous des latitudes chaudes et ensoleillées. Un homme qui tente bien de ne pas fondre sous le soleil angolais, qui visite quelquefois cette grand-mère avec laquelle il a lié une amitié et une complicité impromptues. Au milieu de tout cela, j'ai parfois été prise de doutes, quant au véritable lieu qui abrite ce tableau. Entre la langue portugaise, issue de la colonisation passée, l'influence de Cuba qui s'est impliquée dans la guerre civile passée, ainsi que celle de feue l'URSS, aux côtés du MPLA, il y a bien des moments où je me suis demandée si j'étais dans la péninsule ibérique, sur le continent sud-américain. Un mélange improbable et détonant de langues de cultures très hétérogène. J'ai apprécié ce mélange qui m'a fait perdre des repères, j'ai découvert, sinon un pays, du moins une capitale marquée par les dernières traces de colonie portugaise, du communisme de Cuba et de son allié soviétique, qui ont largement soutenu la gouvernance d'après-guerre.
On entre, en un sursaut, dans la vie du jeune narrateur comme un cheveu tombe dans la soupe, au milieu d'une vie faite de jeux, de courses, parfois d'école, de siestes auprès de la grand-mère, de gouters improvisés au moyen de mangues pas tout à fait mures saupoudrées de gros sel, de la joie, de l'amitié, mais surtout beaucoup de pauvreté, ou l'électricité est un luxe envié et les quelques officiers soviétiques venus bâtir un mausolée à l'ancien président soigneusement momifié détonnent au moins autant que le crocodile de compagnie d'un des personnages. Ce décalage que représente ces soldats venus de cet est glacial sur fond de chaleur assommante prête souvent à sourire, d'autant que l'espèce de jargon russo-portugais qu'ils tentent de parler est bien souvent douteux, que leur nom aux consonnes, aux voyelles dures, sonne étrangement aux oreilles des enfants angolais aux noms chantants. On se gausse bien souvent face aux moqueries des jeunes qui tordent et détournent les noms russes dans tous les sens, on apprécie et on savoure cette joie de vie, cette énergie contagieuse, qui émane de ceux, qui évoluent pourtant dans un environnement peu favorisé économiquement. On hausse le sourcil lorsque on lit les conditions d'hygiène, de soin. On aspire et on imprègne ses poumons de la légèreté qui les entoure, qui empreigne les âmes, les vies, les rires, chaque moment de vie, jusqu'à l'écriture même de l'auteur lusophone. Jusqu'à ce que nous surprenne le son du détonateur de l'AK47. Derrière la lumière et l'eau, c'est aussi les signes immuables d'une guerre qui s'entêtent à resurgir, un mausolée qui vérole la sérénité plage pour abriter les restes d'AgostinhoNeto.
Le tout au milieu de la poussière en constante suspension, qui parsème ce coin de banlieue de Luanda, où l'azure océane et céleste et le soleil, la douceur du vent, la pluie rédemptrice se disputent l'attention de ses habitants, entaché des cerfs-volants colorés des enfants : on voit, on respire, on sent, c'est un roman qui se vit, la plume d'Ondjaki est démiurgique, on ne se lasse pas de sentir les effluves iodés de la mer environnante, des fruits exotiques qui foisonnent, des cris animales, de l'élan vital de ces enfants qui se moquent aussi joyeusement qu'ouvertement du soviétique et cette amitié invraisemblable avec cette grand-mère.
C'est un roman qui m'a fait sortir de mon paysage littéraire habituel, il m'a fallu quelques pages pour m'adapter au style d'Ondjaki, néanmoins c'est avec plaisir que je me suis laissée entrainée par le doux écho de l'océan et par l'énergie entrainante des rires des jeunes angolais et à l'envie de croquer dans cette mangue, pas tout à fait mûre, saupoudrée de sel.
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