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Critique de JCanonne


Ah, ça y est...Jocelyn Canonne est amoureux de Michel Onfray ; il va encore nous refaire une chronique sur l'un de ses bouquins, et puis il ne prend même pas le dernier. Hé oui. de une, je fais ce que je veux. Et de deux, je fais ce que je veux. Au moins, c'est clair (même si l'on peut concevoir une certaine redondance dans l'argumentation).

Il est vrai que dernièrement je ne trouve plus vraiment mon bonheur chez les indépendants, alors je me tourne sur du “mainstream”. Question d'époque, mais aussi question de réflexion personnelle.
Jocelyn Canonne qui réfléchit… On aura tout vu. Décidément, si lui commence à réfléchir, le monde est mal barré. Mais, c'est peut-être déjà le cas. Et vous ne vous en rendez même pas compte.

De toute façon, avec Michel Onfray, on pourrait simplement le citer, fermer la parenthèse et faire marcher se méninges. Je pourrais le faire avec ce passage d'ailleurs : “Les architectes et les urbanistes (ici, les politiciens politisés, note du chroniqueur) qui ont pendant des années bétonné les âmes, cimenté les consciences, asphalté les coeurs, goudronné les intelligences, bitumé les pensées, macadamamisé les entendements, ne sont pas pour rien dans la décomposition de notre société. Ils se prenaient pour Le Corbusier, dont ils ignoraient qu'il avait été fasciste, sans savoir qu'ainsi ils construisaient la génération dont le cerveau est en ciment et le coeur en béton”.

Oui, c'est clair qu'avec un tel phrasé, on se sent tout de suite plus instruit. Ou, excusez de la grossièreté, on se sent un peu moins con. Ces quelques phrases ne constituent que l'un que des merveilleux passages que l'on retrouve dans “Décoloniser les Provinces”, l'oeuvre dont il sera question ici.
Tout le monde ou presque connait Michel Onfray, philosophe de gauche, dont les pensées sont proches de Pierre-Jopseh Proudhon. Un philosophe, sans langue de bois, dont je parlais dans une chronique antérieure avec un brin de fascination. Si vous ne le connaissez pas, je vous invite à regarder cette petite vidéo qui le place face à notre cher Jacques Attali (lequel se dit anti-libéral...oui, vous pouvez rire).

Le livre “Décoloniser les Provinces” fait partie d'une trilogie, à côté de “Zéro de Conduite” (déjà chroniqué par votre serviteur) et de “La cour des Miracles”. Il s'agit du premier tome, un tantinet moins épais que les suivants. le philosophe nous expose ses pensées et de nombreuses doléances envers ceux qui allaient se présenter à la présidence de la République. Pour autant, après avoir brossé un portrait au vitriol et déplorer l'immobilisme politique basé sur un système tout aussi immobile depuis plusieurs décennies, il nous montre qu'il n'est pas dupe. de là à croire que cet ouvrage est vain ? Heureusement non.

Sa pensée libertaire se décompose en plusieurs parties où il expose autant son amour pour Proudhon que son aversion pour la pensée et la perception jacobine du pouvoir. Hé oui, il fallait s'en douter. Avec une argumentation claire, précise, comme d'ordinaire, il démontre que la centralisation du pouvoir en France via Paris n'est que la résultante immédiate des restes de la révolution française au sens large (passage de la Commune y compris) où les actions jacobines ont pris le dessus sur les actions girondines souvent avec brutalité.


Pour être plus clair, deux pensées s'opposaient. Les Jacobins souhaitaient un pouvoir parisien qui se diluait ensuite dans les provinces de manière peu fiable. Les Girondins, en revanche, désiraient que le pouvoir et les décisions se fassent de manière équivalente entre Paris et la Province afin de préserver l'équilibre de l'Etat. Vous avez déjà deviné laquelle de ces visions l'a emporté. le pouvoir reste à Paris. Et Michel Onfray déplore cet état de fait (jeu de mot inside).

En effet, avec les différences présidences et gouvernements qui se sont succédés depuis 1981(avec un petit rappel rapide sur le fait que François Mitterrand a vendu la souveraineté de la France au profit de celle de l'Europe rendant l'ensemble territorial davantage précaire et qu'il a permis sinon a tout fait pour que l'immonde Front National émerge et s'installe), la Province semble avoir totalement disparu des priorités durant la campagne et durant l'exercice du pouvoir. Un pouvoir qui demeure exclusivement parisien tant sur le fond que sur la forme.

Michel Onfray craint d'ailleurs — une peur justifiée — que les candidats oublient cette province qui n'oublie pas de les élire. On le sait maintenant et on l'aurait deviné : aucun mot n'a été prononcé en ce sens. On parle “politique”, “économie”, on parle “Paris”, mais aucunement on parle des électeurs, de ce qu'ils vivent au quotidien (finalement, le mouvement des gilets jaunes est là pour le rappeler, que l'on soit d'accord ou non avec ledit mouvement). Il n'oublie pas non plus de les égratigner au passage (seul Lionel Jospin semble trouver une réelle dignité à ses yeux) ; c'est bien légitime vu leurs “qualités” respectives. Des “qualités” sur lesquelles je ne reviendrai pas. J'aurais tellement à en dire de mon côté et là n'est pas le propos de cette chronique.

On oublie le peuple mais on le sollicite à chaque fois, juste pour pouvoir obtenir une légitimité représentative qui n'a plus que de représentative que le nom puisque coupée de tout.
Ecrit d'une main de maître (il suffit de relire le passage cité pour en être convaincu), Michel Onfray étonne une nouvelle fois. En bon penseur et en bon meneur d'âmes, il nous indique avec clairvoyance les erreurs du passé et les erreurs à venir. L'oeuvre se lit facilement, et nous en ressortons une nouvelle fois illuminée par des pensées que l'on n'aurait pas eues, des pensées que les médias ont de plus en plus tendance à occulter. Bien moins grivois et voltairien que “Zéro de Conduite” et sans doute moins drôle, l'écrit se veut tranchant (le passage sur notre cher Benoit Duhamel a de quoi faire naître le sourire) et va droit à l'essentiel tout en continuant à nous instruire. Et à nous faire réfléchir.

Michel Onfray n'aborde que peu le point économique lié à cette centralisation des pouvoirs. Et c'est là peut-être un point que j'aurais voulu être approfondi. C'est bien la preuve que l'ouvrage est réussi. Il m'a poussé moi-même à réfléchir et à repenser à mes anciens cours de géographie et de géopolitique. D'où une pensée toute personnelle que je ne puis m'empêcher de partager avec vous. En effet, les volontés tardives de décentralisation émises par nos anciens dirigeants n'ont abouti qu'à une véritable catastrophe. Il ne s'agissait pas tant de redonner du pouvoir au territoire, mais de redistribuer les déficits étatiques au sein des régions, des départements et des communes sans penser un instant à leurs pouvoirs décisionnels. Il en résulte des fragmentations territoriales et des difficultés majeures pour les subdivisons citées à boucler leur budget. Plus personne ne veut devenir maire. Les postes sont désertés. Et pour cause ! Comment gérer le quotidien de ses administrés locaux en ayant des ardoises de plus en plus importantes ? Même les regroupements de commune sont dans l'incapacité de trouver les fonds nécessaires à leur bon exercice. Aller quémander l'argent plus haut ? Oui, ce serait possible si les départements ou les régions bénéficiaient de fonds acceptables. L'état se désengage et il n'est pas prêt de se désengager financièrement.
Il ne reste plus, finalement, et c'est là que je rejoints Michel Onfray, que les actions politiques locales (car, oui, dès que l'on se bouge pour donner de la culture et d'ouvrir des centres d'hébergement, il s'agit bien d'actions politiques) pour espérer non pas un lendemain qui chante, mais un espoir aussi fin qu'une feuille de papier. Feuille de papier avec laquelle nos dirigeants décident, tout ce qui est bon pour vous, de leur tour dorée qu'est Paris.

Réflexion personnelle mise à part (avec toute la modestie avec laquelle elle a été rédigée), et comme toujours avec Michel Onfray, nous sommes plongés dans une réalité un tantinet sombre. Une réalité à laquelle il est bon d'être confrontée à moins de vouloir à tout prix porter des oeillères.
C'est pour cette dernière raison que je conseille ce livre. Court, à la disposition de tous (éloigné de l'exigent mais recommandable “Traité d'Athélogie” du même auteur), et vrai, “Décoloniser les Provinces” est plus qu'un simple essai. C'est un appel à une raison raisonnable.
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