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Critique de Bruidelo


Vous imaginez si le Point ou Valeurs actuelles, au lieu de Unes racoleuses voire carrément nauséabondes, nous proposait dans chaque numéro un poème... Rêve insensé de pauvre utopiste complètement à l'Ouest? - c'est beaucoup moins vendeur! Au Japon pourtant les journaux, y compris Nihon Keizai, le quotidien des milieux d'affaires, publient chaque semaine une demi-page de poésie. de 1979 à 2007, le quotidien Asahi, le deuxième journal le plus lu dans le monde avec son tirage de 7 à 8 millions d'exemplaires, publiait même chaque jour en première page un poème choisi et commenté par le poète et critique Makoto Ôoka.
Le recueil «Poèmes de tous les jours» nous en propose une sélection et ça donne une assez belle anthologie (même si ce n'est pas non plus la plus top des tops).
C'est parfois très fort, je ne peux par exemple que saluer bien bas Saitô Mokichi, parce que ça, je n'aurais jamais cru que la projection-identification à une bestiole aussi peu glamour à mes yeux qu'une araignée d'eau fonctionnerait aussi bien :
«Araignée d'eau qui monte dans le courant
Tes forces sont si faibles pourtant»
(Saitô Mokichi 1882-1953)
Ces «poèmes de tous les jours» arrachent souvent à la banalité du quotidien un étonnement, quelque chose qui vibre, parfois en saisissant une émotion passagère, comme dans cette belle évocation du réveil, du rêve enfui qui se fait pourtant encore sentir:
«Le vent du printemps disperse les fleurs de mon rêve
Éveillé mon coeur en tremble encore»
(Le moine Saigyô 1118-1190)
Toujours aussi fleur bleue, j'ai trouvé ça émouvant de voir si joliment exprimée en deux petits vers la grooosse plénitude du sentiment amoureux:
«Après notre rencontre, quand je vois mon coeur,
Je m'aperçois qu'autrefois je ne pensais à rien.»
(Gonchûnagon Atsutada 906-943)
Mais bien sûr, le thème de l'impermanence domine avec notamment l'importance de la place donnée aux saisons:
«La brume du soir se noue au fond de mon coeur
Et l'automne comme moi s'avance vers l'hiver.»
(Shikishi Naishinnô morte en 1201)

Une petite déception quand même. Comme j'avais adoré les poèmes d'Ôoka Makoto, j'attendais plus de ses présentations qui restent je trouve trop souvent un peu superficielles, anecdotiques: des indications du type «ce haïkaï repose peut-être sur l'observation d'une scène réelle», on ne peut pas dire que ça enrichisse la lecture d'une façon inouïe - Bon, en même temps, c'est vrai que s'il en fait une chaque jour, ça ne peut pas être très approfondi. L'introduction, plus travaillée, m'a davantage intéressée. J'ai bien aimé l'expression «les passionnés de silence» qui vient qualifier l'amateur de haïku où «ce qui est suggéré l'emporte de loin sur ce qui est exprimé».
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