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Makoto Ooka (Éditeur scientifique)Yves Marie Allioux (Traducteur)
EAN : 9782877301503
Editions Philippe Picquier (08/02/1999)
4.31/5   8 notes
Résumé :
Peut-on trouver ailleurs qu'au Japon une poésie qui, ayant connu son apogée il y a plus de mille ans, jouisse encore d'un aussi vaste public ? Comment expliquer autrement que par la continuité d'une longue tradition l'intérêt toujours vivace que les japonais portent au haïku, au tanka, à une poésie qu'ils pratiquent tous les jours ? Art de l'ellipse et de la suggestion : tous les amoureux de " silence " trouveront dans ce livre une réponse aux questions que se pose ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Vous imaginez si le Point ou Valeurs actuelles, au lieu de Unes racoleuses voire carrément nauséabondes, nous proposait dans chaque numéro un poème... Rêve insensé de pauvre utopiste complètement à l'Ouest? - c'est beaucoup moins vendeur! Au Japon pourtant les journaux, y compris Nihon Keizai, le quotidien des milieux d'affaires, publient chaque semaine une demi-page de poésie. de 1979 à 2007, le quotidien Asahi, le deuxième journal le plus lu dans le monde avec son tirage de 7 à 8 millions d'exemplaires, publiait même chaque jour en première page un poème choisi et commenté par le poète et critique Makoto Ôoka.
Le recueil «Poèmes de tous les jours» nous en propose une sélection et ça donne une assez belle anthologie (même si ce n'est pas non plus la plus top des tops).
C'est parfois très fort, je ne peux par exemple que saluer bien bas Saitô Mokichi, parce que ça, je n'aurais jamais cru que la projection-identification à une bestiole aussi peu glamour à mes yeux qu'une araignée d'eau fonctionnerait aussi bien :
«Araignée d'eau qui monte dans le courant
Tes forces sont si faibles pourtant»
(Saitô Mokichi 1882-1953)
Ces «poèmes de tous les jours» arrachent souvent à la banalité du quotidien un étonnement, quelque chose qui vibre, parfois en saisissant une émotion passagère, comme dans cette belle évocation du réveil, du rêve enfui qui se fait pourtant encore sentir:
«Le vent du printemps disperse les fleurs de mon rêve
Éveillé mon coeur en tremble encore»
(Le moine Saigyô 1118-1190)
Toujours aussi fleur bleue, j'ai trouvé ça émouvant de voir si joliment exprimée en deux petits vers la grooosse plénitude du sentiment amoureux:
«Après notre rencontre, quand je vois mon coeur,
Je m'aperçois qu'autrefois je ne pensais à rien.»
(Gonchûnagon Atsutada 906-943)
Mais bien sûr, le thème de l'impermanence domine avec notamment l'importance de la place donnée aux saisons:
«La brume du soir se noue au fond de mon coeur
Et l'automne comme moi s'avance vers l'hiver.»
(Shikishi Naishinnô morte en 1201)

Une petite déception quand même. Comme j'avais adoré les poèmes d'Ôoka Makoto, j'attendais plus de ses présentations qui restent je trouve trop souvent un peu superficielles, anecdotiques: des indications du type «ce haïkaï repose peut-être sur l'observation d'une scène réelle», on ne peut pas dire que ça enrichisse la lecture d'une façon inouïe - Bon, en même temps, c'est vrai que s'il en fait une chaque jour, ça ne peut pas être très approfondi. L'introduction, plus travaillée, m'a davantage intéressée. J'ai bien aimé l'expression «les passionnés de silence» qui vient qualifier l'amateur de haïku où «ce qui est suggéré l'emporte de loin sur ce qui est exprimé».
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Encore une superbe publication des éditions Picquier poche! Ôoka Makoto, lui-même poète, a eu l'idée de réunir dans ce recueil cent poèmes parmi ceux qu'il transmet chaque matin depuis 1979 dans un journal japonais, Oriori no uta : poèmes au jour le jour.

La richesse de ce livre vient essentiellement de trois choses: les textes sont aussi bien du Moyen-Age que de l'époque contemporaine, il y a certes des haïkus mais d'autres formes poétiques également donc un ensemble très varié, et sur chaque double page, à gauche, un paragraphe résume brièvement la vie du poète choisi et surtout nous livre un commentaire fort intéressant sur le poème retranscrit sur la page de droite.

Ce qui peut surprendre, c'est le fait que souvent le poème est un distique, mais dans la préface, on nous explique que pour suivre l'ordre des mots du poème original, la traduction a dû ne pas respecter fidèlement la métrique japonaise.

Peu importe, les poèmes choisis, si courts soient-ils, sont intenses, vibrants, émouvants. Ils rythment , légers et profonds , les saisons de nos coeurs.

" Sereine clarté du soleil printanier une alouette
monte au ciel
Et mon coeur solitaire s'abîme dans ses pensées"....

Ôtomo no Yakamochi ( 718? -785)

Ou ce vers fulgurant:

" Nuit noire soudain derrière ce feu dehors"

Matsumoto Takashi ( 1906-1956)

Et je trouve très puissante la parole d' Ôoka Makato, lorsqu'il conclut, dans sa préface:" La poésie, dont la raison d'être est de retrouver la source même des mots, n'a pas de plus forte raison de ressusciter qu'aux époques les plus troubles". Lisons, relisons les poètes! Ils nous raniment, nous emportent...
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Makoto Ôoka, disparu en 2017, est un des plus grands poètes japonais de ces dernières décennies. Il est bien connu des japonais pour avoir remis dans leur quotidien la poésie, en présentant chaque jour un poème, ancien ou moderne, accompagné de son petit commentaire, en première page du plus lu des journaux nippons, l'Asahi Shimbun. Cette initiative a duré des décennies, et a fait des émules dans la presse, puisque j'ai pu vérifier aujourd'hui encore que le Mainichi, autre grand titre, propose chaque jour un haiku en langue anglaise, écrit par un non-japonais !

L'anthologie parue aux éditions Philippe Picquier est proposée et commentée par Ôoka lui-même, et comporte quelques-uns de ces poèmes. C'est une belle synthèse de ce qui s'est fait de mieux à travers les siècles en matière de poésie au pays du soleil levant. Dans sa passionnante préface, Ôoka nous rappelle que cette tradition écrite est longue d'au moins 1 300 ans, avec un premier recueil fondateur, le Manyôshû (« Recueil des dix mille feuilles »). Véritable bible de 4 500 poèmes, il est bien connu de tous les écoliers japonais, et jouit d'éditions et rééditions multiples. du Xème au XVè siècle, plus d'une vingtaine de recueils poétiques ont été commandés par la maison impériale, donnant corps à la forme traditionnelle du poème japonais, le waka. Cette forme longue a été peu à peu raccourcie et s'est démocratisée en donnant naissance au tanka, véritable poème de la vie quotidienne, de circonstance, qui a conquis le coeur des japonais, encore aujourd'hui, et davantage que son évolution encore plus minimaliste que constitue le haïku. C'est donc cette forme courte du tanka qui est mise à l'honneur dans ce recueil. Cela permet de découvrir à travers les siècles des poètes inconnus de nous qui sommes abreuvés par ce phénomène du haïku, très en vogue en occident, et qu'Ôoka restitue dans une assez faible proportion, encensant surtout Masaoka Shiki, qui l'a modernisé. Très agréable dans sa conception, la traduction française du court poème est présentée en page de droite, quand la page de gauche sert au commentaire d'Ôoka, souvent utile pour comprendre le contexte, parfois il faut l'avouer plus dispensable. En-dessous figure la version japonaise du poème (enfin caractères latins, romaji), ce que je trouve toujours appréciable pour des raisons esthétiques et pédagogiques.

Sur le contenu des poèmes eux-mêmes, je ne peux que vous inviter à explorer les nombreuses citations déposées par ailleurs ici pour vous faire une idée. Personnellement, j'ai beaucoup apprécié, tout en regrettant de ne pas trouver de poèmes d'Ôoka lui-même…ce qui m'a donné envie de réparer la chose à travers une anthologie constituée par l'auteur de ses propres poèmes, Citadelle de lumière.
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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Mais c'est précisément parce que notre époque est incertaine qu'on peut dire que l'espérance en la poésie est devenue plus grande. C'est que l'homme est un être doué de langage. Il vit par lui, en lui, il est sa chair même. Et s'il est vrai que le langage soit le seul ciment susceptible de constituer une histoire ou d'édifier une société, la poésie, dont la raison d'être est de retrouver la source même des mots, n'a pas de plus forte raison de ressusciter qu'aux époques les plus troubles.

ÔOKA Makoto, extrait de la préface
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Ce pin solitaire, combien de siècles a-t-il vécus ?
Le vent qu'on y entend est si pur qu'il suggère la profondeur du temps.

Ichihara no Ôkimi ( milieu du VIIIe siècle )
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Même chez soi, la vie part à la dérive et sur les vagues
Nous flottons sans savoir où nous allons

Anonyme ( Manyôshû - Recueil des dix mille feuilles )
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Dans la plaine enneigée où toute herbe s'abolit
Le héron blanc s'est enfoui dans sa propre apparence

fuyukusa mo mienu yukino no shirasagi wa
ono ga sugata ni mi o kakushikeri

Sansho Dôei ("Poésie de la Voie bouddhique du Pin Parasol"), DÔGEN (1200-1253)
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Dans leur science du temps les fleurs des
champs d'automne
Ont toutes le parfum des rayons de la lune

Jien ( 1155-1225 )
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