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Critique de ELO1313


J'ai mis un certain temps avant de rédiger cet avis, car il m'a fallu du temps pour digérer cette lecture.
J'ai beaucoup aimé l'écriture de Tommy Orange, empreinte d'une dimension à la fois tragique et poétique ; certains passages sont d'une beauté déchirante.
J'attendais énormément de ce livre, trop peut-être, et je ne peux m'empêcher d'être déçue car j'ai le sentiment de ne pas avoir su l'apprécier à sa juste valeur.

Après un prologue très fort sur le massacre des Indiens au fil des siècles, Tommy Orange bâtit son roman à travers le portrait de douze personnages, des « Indiens urbains », qui vont participer au grand Pow Wow d'Oakland. Très vite, on devine que l'issue sera tragique.

Je n'avais encore jamais rien lu sur les « Indiens urbains », ce thème m'a beaucoup intéressée.
« Les Indiens urbains se sentent chez eux quand ils marchent à l'ombre d'un building. Nous sommes désormais plus habitués à la silhouette des gratte-ciel d'Oakland qu'à n'importe quelle chaîne de montagnes sacrées, aux séquoias des collines d'Oakland qu'à n'importe quelle forêt sauvage. »
L'un des personnages se réfère à la citation de Gertrude Stein « Il n'y a pas de là, là » et explique : « pour les Autochtones de ce pays, partout aux Amériques, se sont développés sur une terre ancestrale enfouie le verre, le béton, le fer et l'acier, une mémoire ensevelie et irrécupérable. Il n'y a pas de là, là : ici n'est plus ici ».

Les personnages de ce roman ont tous en commun une histoire très sombre, faite de misère, d'injustice et de violence, ils partagent un sentiment de rejet très fort et peinent à trouver leur place dans la société. Nombreux sont ceux qui se sentent déboussolés et qui se perdent dans les addictions. Chez chacun d'entre eux, la question de l'identité semble prépondérante : est-on vraiment un Indien quand physiquement on ne ressemble pas à un Indien tel qu'on se l'imagine, ou que notre sang n'est pas 100% indien, ou encore quand on ne connaît presque rien de la culture traditionnelle ? Pourquoi ce besoin de se retrouver lors des pow wows ? « Nous avons organisé des pow-wows parce que nous avions besoin d'un lieu de rassemblement. Un endroit où cultiver un lien entre tribus, un lien ancien, qui nous permet de gagner un peu d'argent et qui nous donne un but, l'élaboration de nos tenues, nos chants, nos danses, nos musiques. Nous continuons à faire des pow-wows parce qu'il n'y a pas tant de lieux que cela où nous puissions nous rassembler, nous voir et nous écouter (...) Les filaments emmêlés et pendants de nos vies forment une tresse attachée derrière tout ce que nous avons fait pour nous retrouver là. Nous avons traversé des kilomètres. Et nous avons traversé les années, les générations, les existences, en couches de prières et de costumes décorés de perles, ornés de plumes, tressés, bénis et maudits».

Malgré la grande beauté du texte, j'ai gênée par la construction du récit : j'ai eu l'impression de lire une galerie de portraits où toutes les histoires individuelles des multiples personnages se mélangeaient et m'ont fait perdre le fil de la trame principale. Ce roman pourrait plutôt s'apparenter à une série de témoignages, un peu à la manière de ce qu'entreprend de faire l'un des personnages du livre, Dene Oxendene, dont le projet est de réaliser un film en recueillant la parole des Indiens d'aujourd'hui.

Une lecture difficile, mais néanmoins très instructive.

Lu dans le cadre du prix des lecteurs du livre de poche 2021
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