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Critique de fanfanouche24


Un petit trésor absolu... à lire et relire, pour dire et redire la nécessité de la culture, de la protection vitale des livres, de la liberté de penser, de rêver, de
s'instruire, cette magie des échanges humains à travers les époques, les civilisations, le monde dans sa richesse, etc...

"En dépit d'un débit parfois énorme, il était rare que nous puissions vivre uniquement sur les revenus de la librairie, et chacun se débrouillait comme il pouvait, avec des conférences ou une activité d'enseignant, un peu grâce à la littérature - traductions, participation à de maigres ouvrages imprimés par des éditeurs privés. Néanmoins, en demeurant parmi les livres, nous remplissions une tâche discrète, mais capitale : nous étions les gardiens et les propagateurs des livres, et nous aidions les gens qui liquidaient leurs bibliothèques à ne pas mourir de faim."

Une lecture acquise depuis déjà un bon moment... que je me prends à relire, avec bonheur, le récit d'une expérience étonnante de résistance, pleine d'humanité, d'amour des personnes, de la littérature et de la culture dans l'histoire russe, avec ses soubresauts politiques , l'effondrement monétaire,
les nationalisations, et réquisitions, ainsi que ses périodes de censure et de chasse aux écrivains et artistes...!

"Et c'était vrai, nous parvenions à tout trouver, on nous achetait des livres par charrettes, par camions entiers. Etant donné la dévaluation quotidienne de l'argent, ce commerce à l'échelle de "toute la Russie" nous permettait de manger non seulement du millet, mais parfois même de la viande de cheval, et de venir en aide à des familles d'écrivains et de professeurs dans le dénuement. "(p. 40)

Des auteurs décidèrent d'agir face à la censure et à la condition terrible de leur statut, ainsi que face à la destruction des valeurs culturelles, humanistes... ainsi surgit une expérience unique et précieuse: une "Librairie des écrivains" !

Je me permets de mettre un extrait du résumé de cette publication proposée par l'éditeur, qui est parfaitement explicite :
"Moscou, 1919.
Sur les décombres d'une Russie meurtrie par la guerre civile et la révolution, on brûle les livres pour se chauffer, on les troque contre de la farine et des harengs. À l'instigation de Mikhaïl Ossorguine, journaliste et romancier, une poignée d'intellectuels va pourtant fonder une librairie qui deviendra légendaire. Gardiens des livres passés et à venir, ils recueillent patiemment les débris des bibliothèques éparpillées ou pillées, ils diffusent, sous forme de manuscrits enluminés, les livres qui continuent à s'écrire, ils aident poètes, écrivains et philosophes à survivre tant matériellement que moralement, en leur offrant, outre des secours concrets, un refuge contre le prosaïsme d'un quotidien misérable (...)"

Cet ouvrage, en plus de son intérêt historique et littéraire est un très joli livre comme tous les ouvrages des éditions Interférences, entre l'esthétique réussie des couvertures, ainsi qu'un papier crème de belle qualité [***j'ai un grand souvenir du texte de Varlam Chalamov, "Mes Bibliohèques ", chez ce même éditeur]
Le récit est complété par le catalogue des éditions manuscrites de "La librairie des Ecrivains", ainsi que par deux plaquettes originales, imprimées sur papier de couleur, d'Alexei Rémizov et de Marina Tsvétaïeva (Poèmes de 1920, imprimés sur vergé bleu)

"Il est possible que, dans ces souvenirs consacrés à notre enfant chéri, je n'aie pu m'empêcher d'idéaliser un peu le caractère de cette entreprise commerciale. Je pense néanmoins que ce fut un phénomène historique, ne serait-ce que par l'époque même de son existence (les années 1918 à 1922), et qu'il valait la peine d'en dire quelques mots. La Librairie des écrivains représente un paragraphe assez particulier de l'histoire de la culture russe et plus précisément, celle du livre russe. "(p. 33)

Une très belle lecture à tous niveaux, dont la principale, est cet engagement sans faille d'artistes, d'écrivains pour sauver un maximum de livres tout en permettant à leurs congénères de survivre, de ne pas "crever de faim"...
Une expérience unique, magnifique dans des temps obscurs et obscurantistes, sans parler de la misère générale , qui met au pilori , en tout premier lieu, la culture, le savoir..et l'existence de tous les jours des écrivains et artistes,en général.!!
@Soazic Boucard- 7 mai 2020
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