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Critique de Alcapone


Premier tome de la série Une vie chinoise, le temps du père témoigne des 21 premières années de la vie de Xiao Li à Kunming dans la province du Yunan (1955 - 1976). La jeune République de Chine proclamée par Mao Zedong en 1949 se lance à l'époque dans le Grand bond en avant (1958-1960) qui provoque la Grande famine de 1959-1961. Celle-ci s'ensuit du Mouvement d'éducation socialiste (1962-1965) et de la Révolution culturelle (1969-1976). le secrétaire du Parti Li et sa femme élèvent leurs enfants Xiao Li et Meimei en leur inculquant dès leur plus jeune âge, le culte du Grand Timonier (on leur enseigne à répéter Mao zhuxi wansui / 毛主席万年 qui signifie Que notre président Mao vive 10 000 ans). La propagande communiste porte ses fruits : la population se sacrifie pour la communauté, les 3 poisons (féodalisme, capitalisme et révisionnisme) doivent être anéantis et les 5 bêtes noires (propriétaires terriens, réactionnaires, droitistes, opposants et capitalistes) dénoncées et punies. Xiao Li profite de la vague des dazibaos pour donner libre cours à sa passion pour le dessin. de fil en aiguille, les dénonciations et les grandes campagnes d'autocritiques organisées par les autorités causent l'arrestation de nombreuses personnes dont le père de Xiao Li. Malgré tout, cet événement n'entâche pas la fidélité sans bornes au Parti du jeune garçon...

Le projet intialement proposé par P. Ôtié et Li Kunwu aux éditions Dargaud devait porter sur Marco Polo. A la demande des éditions qui trouvaient plus intéressante l'idée d'un album autobiographique, le dessinateur s'est lancé dans la production de cette série. Ce récit autobiographique de Li Kunwu ne se veut pas politique mais historique. le dessinateur chinois y raconte Une vie chinoise parmi tant d'autres. Pas de parti pris pour ce travail basé sur la mémoire et ponctué par les événements politiques marquants de l'histoire de la Chine. Avec sincérité (peut-on parler de naïveté ?), Li Kunwu livre une autobiographie presque détachée, un portrait documenté et parfois méconnu de la Chine de Mao. On y apprend entre autres exemples comment les chinois ont participé à l'effort du Grand bond en avant en brûlant le torchis des maisons ou en sacrifiant leurs cheveux pour fertiliser les terres. On y découvre aussi comment les enfants ont été sollicités pour la chasse aux 4 nuisibles pendant la Grande famine (ils devaient ramener des queues de rats à l'école pour prouver qu'à leur niveau, ils étaient capables de contribuer à l'effort national). Toute la population qui se vouait alors corps et âme à la cause révolutionnaire communiste manquait de recul. A travers ses yeux d'enfants puis son regard d'adolescent, Li Kunwu livre une histoire de la Chine en bâtissant un pont entre deux générations. C'est ça qui nous rend si précieux son témoignage inédit...

D'un point de vue artistique, on est tenté à cette lecture de se demander comment Li Kunwu s'est frayé un chemin jusque nos contrées gauloises. Eh bien, c'est grâce à P. Ôtié que le dessinateur chinois est introduit dans l'univers de la BD à l'occidentale. Sa passion pour le dessin a ainsi trouvé grâce à cette opportunité, le moyen de s'exprimer différemment : habitué à illustrer des affiches de propagande ou à exécuter des commandes, l'inventivité de Li Kunwu trouve ici un terrain d'expérimentation idéal pour sa création artistique. On peut aimer ou non les dessins aux personnages grossiers ou le trait encore hésitant mais le propos est pertinent et le projet remarquable. Grâce à cette série, on se rend compte que la bande-dessinée chinoise a toute sa place dans le 9e art et qu'elle gagne à se développer et à se démocratiser. Bref, le temps du père appelle la lecture du second tome : le temps du parti. A bientôt donc pour la suite et surtout n'hésitez pas, partez à la découverte de cette belle série qui promet un avenir souriant au 9e art à la pékinoise ou à la cantonnaise, comme vous préférez...
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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