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Critique de nadejda



«Corps étrangers» se déroule de juillet 1952 à janvier 1953 entre Paris, New York et Los Angeles.
Marvin Nachtigall, fils d'un émigrant juif originaire d'un pauvre village de la province de Minsk en Russie, grâce à une bourse, a pu avoir accès à l'Université prestigieuse de Princeton. Il a épousé la soeur d'un de ses riches camarades Margareth Breckinridge. Ils ont deux enfants Julian et Iris et vivent à Los Angeles. Ce pourrait être un parfaite image d'une intégration à l'américaine si tout ne finissait par se déliter autour de lui.

Marvin va faire appel à sa soeur Doris, alors qu'il ne s'est plus préoccupé de son existence depuis bien des années. Il lui demande de se rendre à Paris à la recherche de Julian, son neveu qui se rêve écrivain. Sa mission, le convaincre de rentrer au bercail. Elle ne rencontrera pas Julian, reviendra bredouille et c'est Iris qui ira ensuite rejoindre son frère qui a épousé secrètement Lili, une exilée roumaine (Lili «eut pitié de lui à cause de sa vacuité, il avait pitié d'elle parce qu'elle avait été pleine et qu'on l'avait vidée. (...) Elle avait beaucoup à lui apprendre. Il n'avait rien à lui offrir, hormis le miracle de sa gratitude.p 132)

A cette époque à Paris on rencontre deux sortes d'exilés. Ceux (dont fait partie Julian) qui «cherchaient à faire revivre le passé : un genre de théâtre ivre de lui-même. C'étaient, pour la plupart, de jeunes Américains de vingt ou trente ans qui se disaient «expatriés», alors qu'ils n'étaient que des touristes littéraires en visite prolongée, entichés de légendes sur Hemingway et Gertrude Stein
«L'autre contingent d'étrangers (dont fait partie Lili la femme de Julian) -- les fantômes -- étaient polyglotte. Ses membres jacassaient dans une dizaine de langues différentes. de leurs bouches jaillissaient toutes les cadences de l'Europe. (...) Ces européens avaient subi l'attaque de l'Europe ; ils portaient le tatouage de l'Europe. On ne pouvait dire d'eux, comme on le disait forcément des Américains, qu'ils appartenaient à une vague d'après-guerre. Ils n'étaient pas d'après-guerre. Bien qu'ils eussent afflué à Paris, la guerre étaient encore en eux.(...) Paris était un lieu de transit.»

Julian et ensuite Iris fuient à l'étranger pour se dégager de l'emprise de leur tyran de père et tenter de prendre leur envol. L'autoritarisme paternel les étouffent. Marvin est dominateur, grossier et méprisant aussi bien avec ses enfants qu'avec sa soeur Doris ou sa femme Margaret qui se réfugie dans une maison de repos.

Dans ce roman tous les personnages se sentent étrangers, étrangers au lieu, au pays dans lequel ils vivent mais aussi étrangers aux autres et à eux-même. On les sent perdus, ne sachant comment agir ou se comporter. Ils se laissent dériver. Confrontés à la réalité ils perdent facilement pied ou engendrent des catastrophes lorsqu'ils tentent d'agir.

Cynthia Ozick, elle-même d'un milieu d'expatriés, sait décortiquer leurs travers et leurs failles d'une plume acérée. Mais si elle reste lucide et parfois impitoyable, elle sait aussi faire preuve de fantaisie et de compassion. Des critiques parle du réalisme fantastique de Cynthia Ozick mais je ne l'ai pas retrouvé dans ce roman. Il était plus présent dans «Un monde vacillant» roman pour lequel j'ai une préférence.

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